Col du Coucou GR51
L’Esterel est un massif volcanique de faible altitude qui se situe sur les bords de la Méditerranée à cheval entre le département du Var et des Alpes Maritimes. Dans ce décor digne du Far-West américain avec ses pitons rocheux couleur ocre, les randonneurs ont l’impression de participer à une nouvelle conquête de l’Ouest.
Rocher champignon
L’or de l’Estérel n’appartient à personne, pas même au temps. Les instants qui s’égrènent le colorent de mille nuances, le marient tantôt avec la mer, tantôt avec le ciel ou les nuages, tantôt avec la forêt. Il s’écoule au fil des ruisseaux, dévale les cascades, valse avec l’écume et s’échappe dans les flots.
Pas un peintre, pas un photographe, pas un écrivain n’a décrit fidèlement l’incroyable couleur de ces rochers de rhyolithe, émaillé de roches déchiquetées et de falaises abruptes, tel Butch Cassidy et Calamity Jane, nous grimpons au milieu d’une belle pinède pour une aventure en 3D.
Le sentier va devenir de l'escalade...maintenant ça va être du niveau sportif !
Quelques instants plus tard, le sentier se fait plus raide et plus caillouteux. Après la grimpette, le sentier se stabilise un peu. A l’approche du col, on aperçoit de splendides rochers rouges. La marche commence par la Piste du Petit Roc qui nous emmène jusqu’a la Pierre du Coucou. De là un petit sentier rocailleux nous conduit à la fameuse carrière de meules.
La randonnée se poursuit par un chemin agréable au milieu des bruyères et des chênes aux formes bizarres torturés par le vent... jusqu'au croisement de la piste de Bayonne le sentier ne présente pas vraiment de difficultés, sauf deux ou trois petits raidillons qu’il faut prendre avec prudence.
Un GR51 pour sportif ou pour camous....
Au milieu de cette tourmente de pierres cela donne un aspect sauvage à ces lieux qui étaient pourtant bien occupés par l’homme du paléolithique (la grotte de Mureon dans mon article précèdent) ! La rhyolite amarante, roche extrêmement dure, célèbre dans l’Estérel pour sa couleur nous fait revivre la chevauchée fantastique.
On commence à apercevoir des cavités, mais, celles ci semblent être naturelles et servaient de belles réserves d'eau pour nos ancêtres (j'en ai vu de semblables aux Grès d'Annot). Certaines autres cavités semblent être la trace de meules taillées... Mais ce n'est pas sûr, l'homme a pu les tailler pour avoir de plus grandes réserves d’eau…
Le rocher du Coucou
Pour l’instant elles sont vides car il a y a eu très peu de pluie dans le sud de la France cet hiver. D’ailleurs vous devez vous en rendre compte de l’aridité des sols en ce mois d’Avril sur le lieu que je vous présente ! Le soleil en été tape aussi fort que le désert d'Arizona. Pourtant de partout la nature resplendit et les fleurs qui y poussent ne doivent pas demander beaucoup d'eau ?
Vue sur la mer et Saint Aygulf
Le site a été occupé de la période du Bronze Ancien (donc de 1800 à 750 avant J.C) jusqu'à la fin de l'âge du Fer (50 avant J.C, conquête romaine). Il faisait partie d'un alignement d'oppida qui dominaient la région et contrôlaient une route reliant ce qui allait devenir la Voie Aurélienne aux hauts plateaux de l'intérieur des terres.
Balisage du sentier (GR = blanc et rouge; PR = Jaune; Balisage bleu ?)
Inutile de vous préciser que la vue est superbe. Bagnols en Forêt au premier plan et au loin on peut voir l’Audibergue (station d’hiver du 06). A l'est s'étire le massif boisé du Tanneron. En arrière plan, les sommets de Caussols et les contreforts des Prés Alpes de Grasse.
Passage d'un raidillon
Mais notre priorité sera de repérer les vestiges de meules taillées dans la roche. il existe trois gisements principaux de taillerie de meules (ou meulières) dont le plus important est celui de la Forteresse. A cet endroit sont éparpillées des dizaines de meules de toutes les dimensions, des excavations qui demeurent les témoins du travail des hommes ayant extrait des roches destinées à animer quelques moulins à huile ou à farine.
Les meules étaient extraites de la roche mère de l'Estérel (rhyolite amarante) qui a la particularité d'être très abrasive. Le début de l'activité remonte au début de l'âge de fer et s'est poursuivie jusqu'au Moyen-âge.
Il fut interrompu probablement à partir de 1393 (date où toute vie a cessé à Bagnol en Foret, suite aux épidémies et aux destructions et pillages de Raymond de Turenne (célèbre sous le nom de Fléau de Provence en luttant contre Marie de Blois, duchesse d’Anjou et comtesse de Provence et les deux antipapes d’Avignon, Clement VII et Benoit XIII), seigneur de Haute Provence, à qui l'on avait confisqué des terres et qui forma une armée "punitive" qui descendit dans le Sud en passant par Bagnols-en-Forêt) jusqu'en 1477 (date d'arrivée des colons de Pieve di Teco, en Ligurie province d’Imperia).
Trace d'une meule
Les premières meules ont été taillées dans cette roche, avec des outils rudimentaires. Le commerce de ces pierres, recherchées dans tout le Midi méditerranéen, était florissant. Des centaines de meules de tailles différentes, furent ainsi extraites de la roche, au prix d’un long labeur incroyablement difficile, dans les conditions climatiques que l’on connaît: sous le soleil de plomb de l’été et le vent de l’hiver.
Et puis brutalement au milieu du XVII° siècle, les «Peyriers» ligures ont disparu, emmenant tous leurs outils, abandonnant de nombreuses meules, plus où moins entamées, certaines même sur le point d’être finies !
Pourquoi tant de meules ont-elles été laissées sur place après des heures de labeur ? Parce qu'en son cœur, la pierre présentait des fissures qui ne garantissaient pas l'usage de la meule. D'autres se sont brisées lors de leur descente. En effet, les accidents n'étaient pas rares lorsqu'il fallait emprunter le sentier menant au plan de Bagnols pour descendre à bras d'homme des pièces de près d'une tonne.
Comment expliquer que l'exploitation ait si subitement cessé ? Certains avancent qu'une épidémie de peste au XVIIIème siècle a pu décimer les tailleurs de meules. Plus probablement, les artisans ont été victimes de la découverte d'autres sites exploitables (à Cap d'Agde par exemple), dans des conditions plus faciles, plus économiques et d'accès plus aisé que ce sentier, à peine muletier, dans lequel ils devaient perdre bon nombre de pierres qu'ils avaient eu de si difficulté à tailler !
Deux petites meules presque ternimées
Dès lors, la concurrence jouant en leur défaveur, la profession a pu s'éteindre rapidement ou les tailleurs s’expatrier. Ces meules pour moulins à fente étaient de toute taille et de toute dimension.
Des petites meules de 36 à 45 cm de diamètre, pour une épaisseur de 10 à 13 cm, destinées aux moulins à grains familiaux (époque Gallo-Romaine), des mortiers circulaires (époque médiévale), des bassins carrés (époque médiévale), des meules de grandes dimensions pour moulins à huile et à blé, dont les diamètres variaient de 90 cm à 1,60 m, pour des épaisseurs de 15 à 50 cm (du XVIe au XIXe siècle).
Leur poids variant de 600 à 1200 kilos. Au milieu de ces meules, on fait une halte panoramique. On ne se lasse pas de la vue sur le golfe de Frejus et de St-Aygulf. On aperçoit l’étang de Villepay et on s’imagine aisément qu’en hiver de bon matin, on doit voir la Corse.
Nous nous remettons en marche. La descente vers le Col de la Pierre du Coucou est assez raide, la prudence est de rigueur car les pierres roulent sous nos chaussures et la chute peut être très grave. Le retour se fait par un véhicule que nous avons laissé au nouveau cimetière de Bagnols en foret.
DIAPORAMA DE LA BALADE