Les Scots Guards des Indes
Bonjour, vous avez dû me rencontrer un peu partout à Menton, surtout en ce moment ! Je ne me suis pas encore présenté : John Lemon ! Oui je sais ce que vous pensez mais rien à voir ! Les Lemon sont une des plus vieilles et des plus grosses familles de Menton. J’ai des oncles, des tantes, des cousins dans tous les quartiers de la ville.
Il faut dire qu’on est bien ici. Avec ce climat chaud et humide, ces hivers tellement doux grâce à toutes ces montagnes qui neutralisent les vents froids. Et une terre ! Pour nous un régal ! C’est vrai je suis un peu chauvin mais comme tous les Mentonnais ! Non ?
Mes origines ? Je sais que ma famille était implantée sur la côte ligure au XIVème siècle. Une partie de mes aïeux est venue s’installer à Menton, attirée par des perspectives d’avenir florissant. C’est vrai que les oranges n’ont pas été très contentes de nous voir arriver. Elles ont fini par comprendre que bientôt la ville nous appartiendrait. Et on n’a pas fait de quartier.
Kali la terrifiante déesse de la Destruction, de la Transformation et de la Préservation.
Aujourd’hui, Menton est la ville du citron. J’ai quelques témoignages écrits qui le confirme. En 1807, un docteur publie : « Le citronnier est une des principales richesses de cet heureux climat; il ne croît en aucun lieu des côtes méditerranéennes en aussi grande abondance ».
Hanumān le dieu-singe, patron des lutteurs, dieu de la sagesse.
Et un autre spécialiste écrit dans un livre édité en 1849 : « Le citronnier qui fournit de si merveilleuses récoltes dans la vallée de Menton, ne compte à Grasse et à Nice que des individus isolés; en plein champ, il y prospère peu ou pas ». Ainsi, très vite, les Mentonnais adoptèrent mes ancêtres.
Char évoquant la danse indienne
Un acte de notaire, daté du 20 avril 1471, mentionne une terre où ils vivent heureux et prospères. En 1495, des membres de ma famille furent envoyés par Jérôme Grimaldi, la grande famille de Monaco qui accèdera au titre de prince au XVIIème siècle. Les Lemon connurent leur âge d’or dès le XVIIème siècle. La famille s’agrandit considérablement, s’enrichit et, dans sa générosité, en fit profiter les Mentonnais.
Les Princes de Monaco donnèrent un cadre juridique à son expansion et lui imposèrent des critères de beauté. Les Lemon se virent obligés d’entrer dans des calibres afin de mesurer et de classer leur tour de taille. On ne devait pas ressembler à n’importe quoi et représenter au mieux les citrons de Menton. Il y avait de quoi être fier : grâce aux Lemon, la ville de Menton et la Principauté de Monaco étaient prospères.
Le Tigre du Bengale et le Naja
Ils occupaient beaucoup de bras, comme les Génois attirés par l’activité, faisaient vivre de nombreuses familles de paysans et de bourgeois, des négociants, des marins. Grâce à nous furent créés des secteurs d’activités dérivées: la tonnellerie, l’ébénisterie, la distillerie...Tous les voyageurs chantaient alors la beauté que nous apportions au paysage mentonnais.
Ah ! J’imagine bien le plaisir de ces voyageurs parcourant les jardins d’agrumes et goûtant au parfum de ces milliers de Lemon en fleurs. Il y a un auteur que j’aime beaucoup, Stéphen Liégeard, qui écrit en 1887 : « les petits vallons laissant aux brises le soin de secouer sur le passant les capiteux parfums du citronnier ». Cela fait rêver non !
Le rickshaw, le tuk-tuk indien.
Et pour les Lemon aussi, c’était le rêve : ils étaient élevés dans des jardins ouverts et le plus souvent petits. Rien à voir avec la surpopulation des grandes surfaces cultivées dans d’autres régions du monde ! Les règlements prévoyaient leur confort lors des cueillettes : « soleil levé, temps serein et sec, avec des cueilloirs doublés de toile et posés à terre sur un lit de toile ».
Et ces femmes, les limoneuses, qui les portaient sur leurs têtes dans de grands paniers, qui marchaient d’un pas ferme, les reins cambrés, sur les chemins rocailleux et pentus. Avant les grands voyages qui les menaient dans toute l’Europe et parfois même en Amérique, les Limon étaient enveloppés dans du papier de soie pour être sûrs d’arriver en pleine forme, tout jaunes et bien dodus, dans ces lointaines contrées.
C’était trop beau pour durer ! Je ne veux pas parler de choses tristes mais au XIXème siècle, les difficultés s’accumulèrent. Aussi, avec l’arrivée du tourisme dans la seconde partie de ce siècle où Menton devint française (le déclin assuré) les beaux jardins où naissaient, à toutes les saisons, mes ancêtres, furent progressivement remplacés par de riches villas et de somptueux hôtels.
Certes, les Lemon continuaient à être partout : sur les affiches touristiques du Paris – Lyon - Méditerranée, sur les productions artistiques des grands céramistes mentonnais, sur les tables des hivernants... Mais l’âge d’or s’achevait. Jusqu’à ce terrible hiver de 1956 qui sonna le glas de la prospérité de ma famille. Splendeurs et misères des Lemon ou « le Guépard » version Citron de Menton !
John Lemon vous salut bien !
Mais je suis d’un naturel optimiste ! Après tout, j’appartiens à une famille dont la haute teneur en vitamine C ne peut donner que de l’énergie. Alors depuis quelques années, je me bats avec une poignée de passionnés (15) pour faire revivre le Citron de Menton, pour faire connaitre cette riche histoire que je viens rapidement d’évoquer.
La vache sacrée: Mère universelle en raison de ce qu’elle produit, symbolise par ailleurs la vie, et elle est celle que Krishna protège.
Depuis la mise en place de l'IPG (Indication géographique protégée), les initiatives se multiplient dans le Mentonnais afin que les terrains soient de nouveau plantés de citronniers et que la production puisse monter en puissance. Le Citron de Menton doit être récolté dans une de ces cinq communes: Castellar, Gorbio, Roquebrune-Cap-Martin, Sainte-Agnès et Menton. Le terrain doit être situé entre ciel et mer, c’est-à-dire à une altitude maximale de 390 m et à une distance inférieure ou égale à 7 km de la mer à vol d’oiseau.
La récolte se fait sur six mois environ: décembre, janvier, février, mars, avril et mai. La production est limitée à 200 tonnes environ par an. Les variétés de citronnier sont cultivées sur Menton : les "Bignettes" (begnet) qui produisent des fruits à peau lisse et fine, très juteux ; les "Sériesqués" à peau épaisse et lisse et qui contiennent moins de jus que les Bignettes ; les "Bullotins" les fruits sont plus gros, leur peau est très épaisse et raboteuse et ont peu de jus. Jadis, on trouvait également les cédrats à confire…
L'éléphant est la monture d'Indra et il est l'emblème de la sagesse et de la vertu forte.
Le citron de Menton est un produit rare, dont la récolte est vendue d'avance à des grands chefs, comme Robuchon, Troisgros, Guérard, Ducasse ou Bocuse. Seul les Azuréens bénéficient de ce fruit aux bienfaits sur la santé extraordinaire. Le Citron de Menton concentre dans son écorce des propriétés anti-cancérigènes et équilibre le pH de l’organisme. Sa richesse en vitamine C est étonnante. Il en concentre 74% de l’apport quotidien recommandé.
Le paon est vénéré, au même titre que les vaches, il est considéré comme un animal totem.
Ce condensé permet à l’organisme une absorption favorisée du fer et joue un rôle dans le développement et l’évolution des os et des dents, du tissu sanguin et capillaire, de la pression sanguine, du taux de sucre dans le sang, ou encore des organes. Grâce à sa richesse, le citron est un puissant anti-oxydant et présente des propriétés anti-bactériennes ainsi qu’antivirales.
Les niçoises aussi sont de la fête .
Le citron de Menton est plus gros, sa peau est plus épaisse et il a des qualités olfactives et gustatives particulières. Il n'est pas aigre, sa teneur en sucre est quatre fois supérieur à celle d'autres types de citrons.
NDLR: Le lendemain de la clôture de la fête du citron, les agrumes, qui étaient exposés dans les jardins Biovès ou accrochés sur les chars, sont liquidés à prix modique:1,50€ les 3 kg. Pour terminer en confiture, en vins ou en liqueurs, la plupart du temps...Les fleurs, qui ornent les jardins Biovès sont également mises à la vente au prix de 3€ la caisse de cyclamens et primevères.
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