Vallée de la Roya
Pour se rendre dans la vallée de la Roya, il faut d'abord passer par l'Italie et sa ville frontière Vintimille. A l’époque mes parents pour voir la famille devait emprunter quatre douanes pour remonter le cours de cette vallée enclavé en territoire italien et administrativement française depuis 1947.
On arrive à Granile. Le village ne peut se faire qu'a pied !
La famille du coté de ma mère vient de cette vallée ! Je remonte donc la vallée de la Roya dans un défilé de hautes roches grises. La rivière en contrebas, prend sa source au col frontalier de Tende et dévale sur soixante kilomètres jusqu'à la ville de Ventimiglia province d'Imperia Italie.
Les rues sont étrites et pentues
On passe donc les villages italiens de Bevera et Porra (des frazioni de Vintimille) puis Airole et Fanghetto avant de rentrer de nouveau en territoire Français à Breil sur Roya (anciennement Breglio). C’est une fois arrivé à Saint Dalmas de Tende (San dalmazzo di Tenda) qu’il faut prendre la route de Casterino qui mène à la vallée des Merveilles pour se rendre au village secret de Granile.
Granile, petit village perché, d’une dizaine d’habitants à l’année (une cinquantaine en été) regroupés dans un creux de montagne aux toits de lauzes violettes, Granile est un rêve de promeneur, le bonheur des randonneurs, la joie de ceux qui veulent découvrir les villages typiques du vieux Comté de Nice et de son identité authantique.
Nous sommes le 16 Aout. Remarquez comment soso est couverte. Ici nous sommes loin de la canicule
Il est aussi le dernier des villages à avoir été desservi par une route carrossable : avant 1971, on n'accédait à Granile que par le chemin muletier. Granile est un petit hameau de la vallée de la Roya qui a subi très peu de transformations ces dernières années du fait de son isolement. Il a fallu attendre la seconde moitié du 20ème siècle pour qu’une route carrossable soit construite entre Saint-Dalmas de Tende et Granile.
Ce village a la particularité d’être bien caché ! Bâti à 1030 mètres d’altitude dans un vallonnement descendant des crêtes de la Cime de Gauron (1600m). Il est invisible de la route parcourant la vallée de la Roya trop encaissée en contrebas (Gorges de Paganin). Quand nous arrivons en moto de Saint-Dalmas de Tende, ce n’est qu’après avoir stationné mon deux roues sur le parking situé à l’entrée du village que nous le découvrons enfin !
Maisons construites en moellons de pierres cassés
Même les randonneurs qui décideraient d’y accéder par le beau sentier qui monte de Berghe Supérieur ne le découvriront qu’en fin de parcours ! Ici, le dicton « pour vivre heureux, vivons caché ! » prend tout son sens !
Balcons en bois de mélèzes
Ce village présente un grand intérêt par son patrimoine architectural, environnemental et son aspect originel qu’il est nécessaire de préserver. Ce qui frappe de prime abord, ce sont les toits couverts de lauzes, l’importance des balcons en bois, parfois munis d’une balustrade de métal forgé. Tout cela possède beaucoup de charme !
L’église Santa Anna très bien entretenue avec son clocher à bulbe et son toit couvert de lauzes est située au centre de la petite place, et a été édifié dans le style néo classique italien. Au bas du village, de vieilles granges sur fond de montagne ainsi que les maisons traditionnelles de la Roya construites en moellons de pierres cassés au marteau et couverte de toitures de lauzes produites dans la haute vallée suivant les techniques artisanales.
Dans Granile, on retrouve le mot grano, le blé, allusion aux planches cultivées crées par les anciens du hameau et au fait que la possibilité d'y cultiver était une des raisons principales de la création de ce hameau de montagne. Ici les gens vivaient en autarcie totale et devaient viser l’autosuffisance dans leur vie.
Sur la gauche chacun a son petit potager pour les conserves en hiver
Les ressources propres devaient assurer les besoins essentiels…alimentation, énergie, abri, vêtement… chaque habitant possedait son potager, et ses bêtes…moutons, chevres, vaches, cochons, poules etc…
En 1860, les communes de la vallée ne furent pas comprise dans les territoires du Comté de Nice annexés à la France par le traité de Turin, pour que le Roi Victor Emmanuel puisse jouir de ces territoires de chasse. La raison parait dérisoire et, à ce propos, une légende assez enracinée veut que la commune ait été conservée par le Piémont pour des raisons "stratégiques".
l'église au neo classicisme italien
De toute manière une guerre entre l'Italie nouvelle et la France, qui était en quelque sorte sa "marraine", était, à moyen et même à long terme, impensable. Tenda, Vievola, La Briga, Moriglione, Granile, Molliere, Casterino, la Vallée des Merveilles et le mont Bego constituaient des territoires de chasse pour le roi Victor-Emmanuel II et l'usage entre souverains était de se faire des petits "cadeaux" de cette sorte.
C'est Mussolini qui voulu bien plus tard affirmer l'"italianité" (avec juste raison) de la région en construisant la gigantesque gare de Saint Dalmas de Tende, sur la frontière. C'est avec la défaite de l'Italie mussolinienne que le dictateur De Gaule annexa le reste du Comté de Nice qui ne l’avait pas été en 1860.
Les Américains laissèrent faire, malgré leur sympathie pour l'Italie nouvelle, et cela leur donna un bon prétexte pour refuser en revanche avec la dernière énergie l'annexion similaire dans le Val d'Aoste, que souhaitait le dictateur de Gaulle pour l'importance stratégique de ces villes. C'est au traité de paix de Paris du 10 février 1947 que ces territoires passent sous souveraineté française contre nature. La commune de Tende devenait ainsi la plus vaste du département des Alpes-Maritimes.
les toits de lauzes
A Granile la quinzaine d’habitants qui habitaient la petite commune est trilingue. On parle le Français, l'Italien et le dialecte local le tendasque. Je rencontre un habitant (Sandro) qui me donne quelques explications sur la volonté de vouloir vivre à l'écart de la civilisation…. et celle de ses majestueuses granges en pierre et son exceptionnel ensoleillement même au cœur de l'hiver.
Belle maison de pierre
Edifiés en pierre sèche ou avec un liant fait de sable et de chaux et un toit en lauze, matériaux disponibles dans la vallée de la Roya, ils ont connu multiples usages. De taille moyenne, disséminés dans les propriétés agricoles, ils servaient à entreposer des outils, du petit matériel agricole.
Quelques unes, généralement plus éloignés du village, ont été aménagés pour qu’on puisse y séjourner avec un coin cuisine et un lieu pour dormir. Nos pays de montagne ont en commun des éléments de vie difficile, fait de contraintes d’altitude, de pentes et de climat qui ont obligé les habitants à des stratégie d’adaptation à ces contraintes. Cette économie agropastorale a dessiné nos paysages et nous a légué un riche patrimoine.
Nous sommes ici très très loin de Cannes et de son festival du film…. l’odeur du foin et de la bouse de vache a remplacé l’odeur des toilettes des stars du cinema. Mais quel bonheur, quel calme, quelle nature exceptionnelle, quel air pur ! je m’amuse à écouter quelques vieux assis sur un banc parler en tendasque. Je comprends assez bien, mon nissart et mon italien me sert !
Un vrai village du moyen âge authentique
Le tendasque est, comme le brigasque ! (j’avais 3 mois, quand j’habitais la brigue avec mes parents) une variété du dialecte royasque. Le royasque (en royasque ruiascu) est un dialecte de type ligure/alpin parlé dans la haute vallée de la Roya, à cheval sur la France et l’Italie.
le village est entouré par les forets de châtaigniers
Le royasque est intermédiaire entre le ligure et l’occitan. Il est aussi issu des familles du parler mentonasque (mentounasc), monegasque (monegu) et l’intémélien de Vintimille (ventemigliusu). En fait dans cette vallée, il y a autant de patois que de village….
Granile était italien avant 1947
DIAPORAMA DE GRANILE