Il y a 355 ans, le projet de relier Toulouse à la mer Méditerranée par un canal naît dans l'esprit ingénieux d’un biterrois, Pierre-Paul Riquet. Validée par Louis XIV, la construction du gigantesque ouvrage alors appelé « Canal Royal du Languedoc » durera 14 ans jusqu’à son inauguration en mai 1681.
Pierre-Paul Riquet mourra à 71 ans peu avant l’achèvement des travaux et n’a jamais su qu’un siècle plus tard, la Révolution Française rebaptiserait son œuvre Canal du Midi. Nous sommes ici certainement sur le lieu le plus célèbre du Canal du Midi, en tout cas le plus visité.
Les écluses de Fonsérannes (qu’on appelait alors l’Escalier de Neptune) font partie, avec le Pont du Gard et la Cité de Carcassonne, des endroits les plus appréciés de la région Occitanie. Ces écluses constituent certainement LE site majeur de Béziers. Ce site, qu'il est donc coutume d'appeler, les 9 écluses, est réellement splendide, dommage que nous arrivons sur la région (Dimanche) avec un temps digne des cotes nordiques de la France.
Et en plus, on nous annonce pas d’amélioration avant Jeudi. Bein voui ! on est pas sur la Costa Azzurra… En tout cas, c'est comme une arrivée triomphale sur la ville de Béziers ! Au delà des considérations techniques, il n'est pas impossible que Pierre-Paul Riquet ait voulu rendre hommage à sa ville natale en réalisant ce chef d'œuvre.
La forme ovoïde des bassins apporte une touche artistique supplémentaire à cet ouvrage magnifique. Du sommet de la colline jusqu'à la rivière d'Orb, le dénivelé est de 25 mètres. Pour le vaincre, il a fallu réaliser huit sas sur une longueur d'environ 315 mètres.
C'est un très beau spectacle que de contempler l'ouverture successive des 9 vannes et du passage des bateaux ou des péniches. En moyenne, huit mille bateaux passent les écluses et 450 000 visiteurs viennent les admirer chaque année ! Ce site historique sur le mutique Canal du Midi est une véritable prouesse technologique, fruit du travail de 12 000 ouvriers.
Les dimensions sont hors du commun et ces écluses sont en fait un « escalier d’eau ». Elles se composent de huit chambres ovoïdes de verrouillage (caractéristique du Canal du Midi : toutes les écluses ont cette forme ovale) et de neuf paires de portes, qui permettent aux bateaux d’être soulevés sur une hauteur totale de 21,5 m et sur une distance de 312 m : ce qui en fait la plus grande échelle d’écluses de France, encore plus important que l’échelle des 7 écluses de Rogny sur le Canal de Briare.
Bien sur, les écluses sont classées Monument Historique depuis 1996 et aussi classé patrimoine mondial de l’Humanité par l’UNESCO. Ce spectaculaire escalier d'eau et tout l'espace environnant ont été réaménagés et rouverts au public en 2017 après 18 mois de travaux destinés à embellir l'espace et à mieux accueillir les visiteurs.
Différentes structures y ont été installées pour permettre aux plaisanciers de passage comme aux touristes à pied ou à vélo de découvrir l'histoire de ce site d’exception. La maison du site, le "coche d’eau" propose un cinéma immersif : un voyage dans le temps en vidéo à la découverte de l'histoire du Canal du Midi, des personnages qui l'ont bâti, et de ses 328 ouvrages d’art unique en France.
L’histoire des écluses commence au début du XVIIe siècle. Le jeune Pierre-Paul Riquet assiste, avec son père, aux États du Languedoc. Et le Biterrois Bernard d’Arribat parle d’un projet qui relierait l’océan Atlantique et la mer Méditerranée. Pour l’enfant, cette idée devient un rêve qui ne le quittera plus.
Adulte, il devient fermier des gabelles, mais le projet de canal des deux mers ne l’a pas quitté. À la cinquantaine passée, il décide d’écrire à Colbert, ministre des Finances de Louis XIV. À force d’arguments, il réussit à le convaincre de l’intérêt d’un tel chantier.
L’édit pour la construction du Canal royal des deux mers est signé par le Roi Soleil et son ministre en 1666, mais il sera réalisé avec les propres deniers de Pierre-Paul Riquet. Les travaux dureront quatorze ans, mobiliseront 12 000 ouvriers, dont 700 femmes. Le 1er octobre 1680, Pierre-Paul Riquet succombe à un accès de fièvre. Il ne restait qu’une lieue à creuser pour que le canal relie, enfin, Toulouse à la mer.
Son fils, Jean-Mathias, terminera le rêve de son père. Le site devient mondialement connu et côtoie d’autres grands sites fluviaux aussi emblématiques que les canaux de Milan (Italie), dessinés par Léonard De Vinci, ceux de Gand (Belgique) ou encore l’extraordinaire roue de Falkirk en Écosse.
Prenez le temps aussi de regarder les éclusiers travailler. En plus des saisonniers, présents pendant huit mois, une dizaine de titulaires travaillent tout au long de l’année. Certains habitent même sur place pour assurer la maintenance du mécanisme ainsi qu’une surveillance.
Lors des fortes pluies, ça déborde et l’Orb débordera lui aussi. Il faut donc ouvrir les barrages, ce qui risque de noyer les écluses, et détériorer le mécanisme. Donc l’éclusier est là pour ouvrir les portes. Une vigilance à toute épreuve, qui rend ce métier atypique.
A partir de "coche d’eau" , on a une vue imprenable sur la cathédrale Saint Nazaire et Béziers. L’accès au site est gratuit et on peut même y venir en voiture. A partir de Valras, j’ai mis mon GPS et il m’a emmené sur un petit parking au bord de l’Orb à 200m des écluses.
Au sujet de la manière dont s’écrit « Fonserannes », je me dois de vous indiquer que vous rencontrerez à peu près toutes les orthographes possibles. D’abord, sur les cartes anciennes, vous trouverez souvent « Fonceranes », c’est aussi le cas de la carte de Nolin (1697). Parfois, et toujours dans le passé, vous trouverez encore « Foncerane ». Sur le site lui même, les panneaux indicateurs mentionnent « Fonseranes ».
L’Institut Géographique National (IGN), dans les cartes qu’il édite, écrit « Foncerannes », et cet organisme est réputé pour veiller avec soin à la toponymie. Au bout du compte, vous trouverez les orthographes les plus variées ! En définitive, j’ai choisi d’adopter l’orthographe de « Fonseranes » qui me parait aujourd’hui la plus courante, et qui est également celle qui est utilisée dans le Guide du Voyageur sur le Canal du Midi édité en 1853.
DIAPORAMA DES ECLUSES