Vue de la colline du château sur la Baie des Anges
En quête de balade dépaysante ? Allez donc faire un tour au cimetière du Château, en laissant de côté superstitions et a priori morbides. Le cimetière du château est un vrai bijou historique. Premier cimetière monumental de France devant le Père Lachaise, il est aussi le 4ᵉ d’Europe après Genes Venise et Milan. Avec ses 2800 tombes, sépultures et caveaux, souvent taillées dans le marbre, la pierre de la Turbie ou le granit, le cimetière impressionne.
La chapelle de la sainte Trinité
Un lieu où repose de nombreuses personnalités historiques. On y trouve toutes les plus grandes personalités niçoises de l'histoire du Comté. Le carré des "peoples" y accueillent aussi écrivains, poètes, artistes et réalisateurs.
Bergonzo Bunico homme politique niçois, député de la province de Nice au parlement du royaume de Sardaigne
Dans la sensibilité méditerranéenne marquée par le faste et l’ostentation baroque, les cimetières occupent une place patrimoniale particulière, renforcée par une approche particulière de la mort. En Italie, les cimetières monumentaux de Gênes ou de Milan constituent de véritables résumés, et de l’histoire des mentalités, et de l’histoire de l’art.
Il en va de même à Nice qui se rapproche culturellement de ces deux grandes cités historiques. Il semble qu’avant l’âge baroque, les Niçois ont enterré leurs morts dans des cimetières de la ville basse (l’actuel Vieux-Nice). Deux d’entre eux ont été localisés : le cimetière Santa-Réparata et le cimetière San Francesco.
On aperçois le vieux Nice et la cathédrale Sainte Reparate
Pour autant, dans le souci de se trouver au plus près des espaces les plus sacrés, et donc de Dieu, des sépultures ont aussi lieu dans les églises, singulièrement pour des grands personnages : le sénéchal Romée de Vilanova dans l’église des Dominicains, le marchand florentin Bardi (XVe siècle) dans l’église San Francesco ou la duchesse Béatrice de Savoie (1503-1538) dans la cathédrale Sainte-Marie du Château.
Des caveaux monumentaux
L’âge baroque va multiplier la possibilité de sépulture dans les églises, d’autant que le cimetière urbain de Santa-Réparata disparaît (1588). L’ensevelissement des morts dans les églises niçoises est à la source de leur très riche décoration : pour répartir les coûts de construction, les commanditaires des bâtiments que l’on réédifie entièrement alors, dans le nouveau style baroque, vendent à des particuliers (nobles) ou à des associations (corporations) les chapelles latérales de l’édifice, avec la faculté pour eux d’y enterrer leurs morts.
Dans une émulation propre aux mentalités de ce temps, les propriétaires vont rivaliser de luxe pour rendre leur chapelle plus belle que celles de leurs voisins. En 1783, un édit du roi de Sardaigne Victorio Amédée III défend d’ensevelir les cadavres dans les églises, tant urbaines que rurales, l’interdiction ne s’appliquant pas aux clercs.
Famille Rossi Grosso grande famille niçoise
La grande combattante Anita Garibaldi épouse du héros des Deux Mondes
Il s’agit alors de trouver un nouveau site pour établir un cimetière. La colline du Château, un terrain vague depuis la destruction de la citadelle par Vauban et Louis XIV s’y prête parfaitement, tandis que d’autres champs funéraires trouvent place auprès des paroisses de la campagne.
Stelle à Guiseppe Garibaldi
Le cimetière chrétien du Château est donc ouvert après 1783. Quant au cimetière juif, qui se trouvait en contrebas de la colline, hors les murs, vers le site de l’actuelle rue Sincaire, depuis le Moyen-âge, il fut déplacé à la même époque pour se voir installé au sud du cimetière chrétien.
Rosa Garibaldi la maman du Héros des Deux Mondes
Plus tard, au début du XIXe siècle, afin de ne pas perdre la clientèle des riches hivernants, le roi de Sardaigne Victorio-Emmanuele Ier autorisa l’aménagement d’un cimetière protestant.
Mercédès Jellinek (la fille du cofondateur, avec Benz, de la célèbre firme automobile
Emil Jellinek à la tête de la ligne Daimler de la marque Mercedes est consul à Nice de l’empire austro hongrois ouvre la première concession Mercedes à Nice en 1898. La voiture allemande la plus niçoise…
Les cimetières du Château sont les plus spectaculaires de Nice tant par leur situation que par le nombre de monuments funéraires de qualité qui s’y trouvent. Ils furent établis sur la base des murailles de la partie "moderne" de la citadelle, érigée au XVIe siècle et dont on peut voir des vestiges à l’extérieur, à l’est du site, dans les soutènements de la montée Eberlé.
En haut: Gaston Leroux, le père de Rouletabille
Un système de terrasses permet une répartition des tombes très aérée, ménageant de spectaculaires échappées panoramiques sur la ville, la mer et le cirque de montagnes qui l’entoure.
Le cimetière chrétien du Château présente aussi la particularité d’unir dans son enceinte plusieurs groupes nationaux, religieux et sociaux. Il est à la fois le cimetière du petit peuple du Vieux-Nice, celui des grandes notabilités politiques et sociales de la fin du XIXe début du XXe siècle et celui des communautés étrangères formées par le tourisme hivernal (Russes, Allemands, Anglais et Américains).
De ce fait, on y trouve des tombes catholiques, mais aussi protestantes et orthodoxes. Les plus anciennes tombes sont de style néo-classique. Elles s’inspirent des sarcophages romains. On remarque aussi des chapelles parfois de même style, ou le plus souvent néo-gothique.
Le père de Gambetta veut que son fils soit enterré à Nice, auprès de sa mère et de sa tante. Le 13 janvier, un train spécial est affrété pour conduire le cercueil à Nice où il est inhumé le lendemain dans le caveau familial. Leon Gambetta est d'origine italienne. Son grand-père Giovanni-Battista Gambetta, né à Celle Ligure à 50km de Nice
Toutefois, les plus nombreuses et les plus remarquables sont d’influence ligure. Elles allient lyrisme déclamatoire et réalisme minutieux. Bustes ou médaillons sculptés représentant les défunts, croix, anges, motifs symboliques comme l’ancre, signe d’espérance, les torches renversées, le lierre ou la fleur de pavot font de ces jardins de pierre un véritable musée.
La pyramide élevé en hommage aux victimes de l'incendie du théâtre de Nice
Par sa situation proche de la ville encore limitée à l’actuel Vieux-Nice au début du XIXe siècle, le cimetière du Château concentre, dans sa partie nord, nombre de tombes de personnalités niçoise de cette époque : ainsi celle de la famille Garibaldi, contenant les restes de la mère du Héros des Deux-Mondes, Rosa (sa femme Anita, morte en 1849 près de Ravenne, y fut ensevelie en 1859 puis sa dépouille réclamée par l’Italie mussolinienne, fut transférée à Rome en 1931).
Tombeau Ilhami Hussein Pacha famille royale d’Egypte
Famille Laurenti de Asti gouverneur de Nice pour la Maison de Savoie
Celles du poète de langue niçoise Rosalinde Rancher (1785-1843), du député de Nice au parlement de Turin Benoît Bunico (1810-1863), de l’amiral Félix De Constantin de Châteauneuf qui bombarda Tripoli en 1825, du célèbre corsaire Joseph Bavastro (1760-1833), du naturaliste Antoine Risso (1777-1845), du peintre Clément Roassal (1781-1850),.......du chimiste André Vérany (1812-1863), de la poétesse Agathe-Sophie Sasserno (1810-1860).
La famille Costa originaire de Gênes est une famille de la noblesse de Savoie
A partir de la seconde moitié du XIXe siècle, la haute société politique niçoise vient rejoindre ces premières personnalités : les maires Alfred Borriglione (1843-1902), les ministres Edouard Corniglion-Molinier (1898-1963) et Edouard Grinda (1866-1959), les députés Constantin Bergondi (1819-1874), Flaminius Raiberti (1862-1929).
Menica le créateur de l'hymne niçois Nissa la Bella
Le monde de la culture est aussi présent. Des peintres Charles Garacci (1818-1903), auteur d’un fameux portrait de Garibaldi, et Victor Sabatier à l’architecte Jules Febvre (1859-1934), concepteur, entre autres, de l’église Notre-Dame-Auxiliatrice (Don Bosco), et aux poètes niçois "Menica" Rondelly (1854-1935, qui écrit " La miéu bella Nissa ", devenu l’hymne de la ville) et Jouan Nicola (1895-1974).
Alexandre Casimir Clerissi ou Clerissy (1827-1885) artiste peintre photographe né à Nice
Nombre de personnalités locales viennent reposer entre ces murs, avec le grand mathématicien niçois Paul Montel (1876-1975). N’oublions pas les bienfaiteurs, César Rossetti, François Grosso (dont l’ange de la monumentale tombe semble bénir la ville), et dont les noms ponctuent aussi la géographie de la ville.
Famille Giordano, Francesco consul de Nice en 1706, l'ange protège la ville et la famille reconnaissante.
Antonio Ettore Giordano paysagiste en chef a aménagé le jardin du Palais des rois de Sardaigne à Nice
Enfin, notons, en face de l’entrée, l’émouvante pyramide élevée en hommage aux morts de l’incendie du Théâtre municipal (remplacé par l’actuel Opéra) du 23 mars 1881. Le révolutionnaire russe Alexandre Herzen (1812-1870), et Léon Gambetta président du conseil des ministres.
Raiberti issu de famille noble titrée baron en 1822 par le roi de Sardaigne Carlo Felice
Loin de son époux Henri Matisse, qui repose à côté du cimetière de Cimiez, on découvre la tombe étrangement ornée de Marguerite Duthuit-Matisse, comme celle de Mercédès Jellinek (la fille du confondateur, avec Benz, de la célèbre firme automobile dont le père, éploré, choisit son prénom pour le perpétuer à travers la marque Mercédès), entre ces mêmes murs.
Marguerite Matisse loin de son mari qui est enterré sur la colline de Cimiez
L’écrivain Gaston Leroux (1868-1927), le père de Rouletabille, se trouve là aussi. Le réalisateur niçois Georges Lautner et sa mére l'actrice Renée Saint-Cyr ne sont pas loin de la tombe de Renée Goscinny (créateur d'Astérix) et celle du joaillier Van Cleef. Des anecdotes comme le caveau du philosophe russe, Alexandre Herzen, c'est au Château, selon ses dernières volontés, qu'il fut enterré et Lénine est venu s'incliner sur sa tombe. Ou encore, Elton John venu, incognito et en voisin, résoudre une énigme. "Voir, au plus près, la statue de l'ange de la colonne de François Grosso qu'il aperçoit depuis sa villa du Mont-Boron". Car le monument est imposant. Par sa taille, douze mètres de haut, et son coût aussi.
Georges Lautner et famille
DIAPORAMA DU CIMETIERE DE NICE