Villa Santo Sospir
« Picasso, Matisse, Chagall, moi-même, sur cette côte où vivait Renoir, nous avons essayé de vaincre l'esprit de destruction qui domine l'époque, nous avons orné des surfaces que les hommes rêvent de démolir. Peut-être, que l'amour de notre travail les protégera contre les bombes ». Jean Cocteau
De l'extérieur rien ne présage ce qu'il y a à l'intérieur ...
Écrivain, cinéaste, illustrateur, dramaturge, metteur en scène. Le génie de Cocteau s’exerçait sous de nombreuses facettes. La Villa Santo Sospir est un joyau de l’architecture et de l’art moderne situé à Saint-Jean-Cap-Ferrat, sur la Côte d’Azur. La villa a été construite entre 1931 et 1935 dans le style régional méditerranéen.
La villa devant la baie de Saint Jean Cap Ferrat
Les murs de la villa sont ornés de poèmes de Cocteau et de dessins de personnages célèbres de l’époque, tels que Pablo Picasso, Jean Marais et Coco Chanel. En 1949, le poète Jean Cocteau au cours du tournage des Enfants Terribles, film réalisé par Jean Pierre Melville fit la connaissance de Francine Weisweiller.
Les Mosaïques de l’entrée de la Villa Santo Sospir ont été également conçues et réalisées par Jean Cocteau
Nicole Stéphane (de son vrai nom Nicole de Rothschild), l’actrice principale du film, cousine d’Alec Weisweiller, présenta le poète à Francine Weisweiller. Il y eut entre eux un véritable coup de foudre d’amitié.
Les dieux grecs prennent les traits de pêcheurs de Villefranche dans une relecture sublimée de l'Antiquité
Francine Weisweiller reçoit dans sa villa de Saint Jean Cap Ferrat toute l'avant-garde artistique de toute une époque, avec des personnages comme Stravinsky, Picasso, Marlene Dietrich, Yves Saint Laurent, Greta Garbo, François Truffaut, Hemingway, Francis Scott Fitzgerald ou Jean Genet.
Dans l'escalier, "le Génie du sommeil"
Au Printemps 1950, après le montage des Enfants Terribles, Francine invita Jean Cocteau à venir passer une semaine de vacances dans sa maison de St Jean Cap Ferrat. La villa Santo Sospir, construite peu de temps après la guerre, avait été achetée par Francine et son mari en 1946. Utilisée comme maison de vacances, les murs de la villa étaient restés vides.
Quelques jours après son arrivée, Jean Cocteau dira : « l’oisiveté me fatigue je m’y dessèche…. ». Il demanda à Francine s'il pouvait dessiner au fusain la tête d’Apollon au-dessus de la cheminée du salon.
De fil en aiguille, il tatoua de fresques tous les murs de la maison. Matisse lui avait dit : « Quand on décore un mur on décore les autres, il avait raison ». Tout l’été de 1950, Jean Cocteau a travaillé sur des échelles, sans aucune maquette préalable.
Le Mythe du Soleil ou Tête d’Apollon. A droite et à gauche, les prêtres du Soleil ou pêcheurs de Villefranche
Après avoir dessiné au fusain, le poète a rehaussé ses dessins de couleurs : un ouvrier italien lui préparait des poudres de couleur délayées dans du lait cru. C'est ce qu’on appelle des fresques a tempera.
En haut: la chambre de l'artiste
Cocteau écrira : « il ne fallait pas habiller les murs, il fallait dessiner sur leur peau, c'est pourquoi j'ai traité les fresques linéairement avec le peu de couleurs qui rehaussent les tatouages. Santo Sospir est une villa tatouée ».
Pour la plupart des fresques, Jean Cocteau s’est inspiré de la mythologie grecque, avec également des allusions à la Côte d’Azur : les pêcheurs de Villefranche et leurs filets, l’oursin, la fougasse (le pain niçois)… Deux ans après avoir terminé les murs de la villa, Jean Cocteau s'attaque aux plafonds. Les trouvant trop blancs, il les colorie au pastel dans des tons très doux.
En haut: La Chambre des Sages, ou Chambre des Boucs
Il compose ensuite deux mosaïques pour le patio d’entrée : sur le seuil, deux visages et un serpent ; sur le mur à gauche, une tête d’Orphée. Enfin trois ans après, Jean Cocteau offre à Francine, pour le mur de la salle à manger laissé nu, la tapisserie Judith et Holopherne.
Des années durant, Jean Cocteau passera de longs séjours dans la villa de Saint-Jean Cap-Ferrat. A propos de ce lieu, il écrira « Quand je travaillais à Santo Sospir, je devenais moi-même mur et ces murs parlaient à ma place ». Fresques, mosaïques et tapisserie habillent encore aujourd’hui Santo Sospir, plus vivantes que jamais.
Elles épousent non seulement l’architecture de la maison, mais aussi les états d’âme de ses habitants. Le mobilier est également resté le même, si bien que les visiteurs d'aujourd'hui sont plongés dans l'intemporalité du poète.
Peu de temps après avoir tatoué la villa Santo Sospir, sur cette même Côte d’Azur, Jean Cocteau décora de fresques la chapelle St Pierre à Villefranche qu’il offrit aux pêcheurs, puis ce fut la salle des mariages de la mairie de Menton. Il dessina également un théâtre Grec pour le Centre Méditerranéen universitaire du Cap d’Ail. Ainsi que la chapelle Notre Dame de Jerusalem dite chapelle Cocteau à Vence.
Un jour, Picasso, qui vit alors à Vallauris, se rend à Saint-Jean-Cap-Ferrat. Leur relation remonte déjà depuis 1917. Lors de sa visite, Picasso parcourt les pièces, scrutant le travail sur les murs, ouvrant et fermant énergiquement les portes sur son sillage, Jusqu’à ce que le verdict tombe :
« Les portes s'ouvrent sur les chambres et les chambres ont des murs. Si les portes ne sont pas peintes, les murs semblent vides. » Cocteau ne peut alors qu’intervenir sur les portes et compléter son œuvre de tatoueur obstiné.
La salle à manger Judith et Holopherne
Derrière les portes, il s'applique à peindre les plafonds et persiste jusqu’à l'intérieur des armoires. Ses lignes se poursuivent dans les mosaïques du jardin et de l'entrée, dans la grande tapisserie de la salle à manger, réalisée par des artisans d'Aubusson.
Elle représente la scène de Judith après la décapitation d'Holopherne, œuvre qui a aussi su inspirer en leur temps Botticelli ou Gustav Klimt. Comme si l'œuvre de Cocteau était transfigurée par le soleil méditerranéen, cette villa laissée en héritage, tel un animal mythologique, un géant endormi depuis la fin de cette vie légendaire, Cocteau aura fait de la villa l'une des plus grandes oeuvres de l'esthétique géométrique et de l'élégance de l'art déco.
Comme de nombreuses villas qui ont marqué les années 50 par la présence d’artistes et de figures emblématiques de leur époque, la villa Santo Sospir se métamorphose en hôtel particulier pour les célébrités dès lors que Jean Cocteau grave ses premiers dessins sur les murs.
La chambre de Narcisse
Elle y abrite notamment Alain Delon et Romy Schneider, en quête d’un refuge à l’abri des regards mais aussi de nombreuses personnalités à l’instar de Liz Taylor, Richard Burton, le prince Rainier III ou encore Charlie Chaplin.
La Villa Santo Sospir est, depuis le 5 mai 1995, inscrite à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques. La villa a reçu le label « Patrimoine du XXe siècle » le 1er mars 2001.
La chambre de Francine Weisweiller est dédiée à Diane, à ses nymphes et à Actéon
DIAPORAMA SANTO SOSPIR