En langue niçoise, son nom est Mouliera et ses habitants sont lu Moulairenc. Bien qu'ayant participé au plébiscite truqué de 1860 avec le reste du comté de Nice, Mollières reste italienne. Le Roi Victor-Emmanuel II y possédait des terrains de chasse dont la stratégie géographique était très importante. Mollières fut alors rattachée à la commune de Valdieri, province de Coni (Cuneo), royaume d’Italie.
Yourte dans le haut pays niçois
En 1860, le comté de Nice fut cédé à la France par Victor Emmanuel II à l'exclusion des hautes vallées alpines, ce qui représentait tout de même 30% du territoire et les deux tiers de la population niçoise. Cavour, le ministre piémontais de l'époque, obtint de Napoléon III de garder cette partie du versant français des Alpes Maritimes afin de permettre au souverain du nouveau royaume d'Italie de conserver ses terrains de chasse.
Il ne s'agissait en réalité que d'un subterfuge, Victor Emmanuel II désirant s'assurer les passages indispensables à sa défense et réclamant pour cela, non pas une frontière sur la ligne des crêtes (les sommets depassant les 3000m), mais largement étendue sur le versant méridional. C'est comme cela que les habitants de ces vallées niçoises ont toujours été tiraillés entre France et Italie.
les vacheries sont importantes dans cette partie du pays niçois
De 1860 à 1947, Mollières jouit d'un statut spécial* parce qu’on ne pouvait l’atteindre qu’à partir du territoire français (les Alpes sont alors une barrière infranchissable). Après bien des péripéties parfois dramatiques, Mollières a été cédée par l'Italie à la France au traité de Paris (1947).
Mollières fut alors rattachée à la commune française de Valdeblore dont elle relevait avant 1860 pour le comté de Nice, mais à titre simplement provisoire car les Molliérincs désiraient constituer une commune à part. Finalement, l'exode rural qui toucha ce village comme tant d'autres après la Seconde Guerre mondiale atténua les revendications.
Mollières compte une cinquantaine de maisons habitables, où leurs propriétaires peuvent se rendre à partir du 15 mai jusqu’au 15 octobre par le col de Salèse (altitude 2031 m). L’hiver, la piste étant fermée, le seul moyen d’accès reste la marche à pied depuis le pont de Paule. Il faudra compter entre 3h30 et 4h00 de marche suivant les conditions (hauteur de neige) !! Mollières est le dernier village français sans électricité.
Le Vallon de Mollières est au centre du Parc National du Mercantour mais est aussi un des lieux où une polémique sur le retour du loup s’est manifestée en France. En effet, les premiers loups y ont été aperçus près du village. Le Parc national a toujours prôné la thèse d’un retour naturel, les loups étant nombreux sur le versant italien ; les analyses génétiques montrent la provenance italienne des loups, mais l’impact des loups sur la faune sauvage (mouflons, chamois) suscite encore débat et controverse.
En 1994, deux ans après le retour du loup, les comptages du parc annonçaient 1150 mouflons. Aujourd’hui, il n'en reste plus qu'une centaine mais la population commence à s'adapter et à s'accroître légèrement.
Le village de Mollières et son vallon font partie du massif du Mercantour. Le site, spectaculaire et plein de charme, se présente comme une cuvette très allongée orientée est-ouest, entièrement encerclée de montagnes. Il s’agit en effet d’un ancien glacier dont les deux extrémités sont constituées par le Col Salèzes au point haut, et au point bas, un peu en aval du village, le verrou glaciaire, remarquable par un rapprochement impressionnant des montagnes de part et d’autre et d’importantes chutes à cet endroit.
En effet, la colonne vertébrale de ce site est constituée par le torrent, le vallon de Mollières, qui prend sa source au très fameux Lac Nègre. Ce toponyme (nom de lieu) est très répandu en France et dans certains pays voisins de langue latine. On peut le trouver avec des variantes orthographiques, principalement Molières ou Mollières, avec un ou deux "l", et le plus souvent avec un "s" marquant une notion de pluriel. On peut même s'interroger sur l'origine du choix du surnom que Molière lui-même, le célèbre dramaturge français, s'était lui-même attribué : du nom peut-être de Molière, au sud de la Mayenne ?
Toujours est-il donc que l'on trouve de nombreux villages appelés "Molières" : en Dordogne, dans le Lot, le Tarn-et-Garonne ; on le trouve ensuite en composition : Molières-Cavaillac ainsi que Mollières-sur-Cèze dans le Gard, Molières-Glandaz dans la Drôme, La Roche-La Molière dans la Loire. Si la distribution de ce toponyme semble dominer dans la moitié sud de la France, et se rattacher particulièrement à l'occitan, on doit mentionner également l'existence d'un village nommé "Les Molières" dans l'Essonne, ou encore les "mollières" dans la baie de la Somme, dénomination en picard des prés salés.
Pour ce qui concerne le nom de notre village du pays niçois, nous le trouvons mentionné sous la forme de "Moliaras" autour du quatorzième ou seizième siècle. Concernant l'étymologie du nom Mollières, on notera une incertitude sur son interprétation, peut-être même un débat : d'un côté, on serait enclin à penser que l'étymologie du toponyme Mollières renvoie à une abondance d'eau : du substantif féminin Nisso/ligure "MOULIERO", dérivé du latin "MOLLIS" (mou) et désignant un terrain humide où l'on voit sourdre de l’eau. Ce qui semble tout à fait plausible du moins pour le Mollières dont nous parlons, le nôtre. Mais, en prenant un tout autre angle, MOULIERO peut aussi désigner un endroit où l'on taillait les meules de pierre : une meulière.
Entrons dans cette histoire de Mollières par son dénouement majeur qui en résume d'une manière tragique et qui frappe les yeux de tout visiteur découvrant Mollières pour la première fois : sa destruction à la fin de la dernière guerre. Le village de Mollières a été totalement incendié en 1944 par l’armée allemande, après la chute de Mussolini, et dans les derniers sursauts avant la débâcle finale : les Américains venaient de débarquer en Provence le 15 août.
D'un côté donc, les troupes allemandes avaient totalement pris la relève des troupes du Duce (qui voulait récupérer Nice, la Corse et la Savoie) sur la ligne de fortification des crêtes, et de l'autre, les troupes françaises appuyées par les Américains avançaient inexorablement vers les Alpes italiennes. Ajoutons que la Résistance niçoise et les "partigiani" italiens qui s'étaient progressivement implantée dans les vallées, avaient remonté très haut vers la frontière dans ces dernières semaines.
Les Allemands pensèrent-ils que le vallon de Mollières était appelé à devenir le théâtre d'affrontements décisifs et qu'il fallait le vider de sa population et de neutraliser complètement son espace en l'incendiant ? En tous cas, les combats se limitèrent à peu de chose puisque les troupes de l’Axe, à l’agonie, ne purent quasiment pas résister et se replièrent vite. L’incendie du village n'eut, finalement, aucune utilité militaire réelle.
la caserne des carabinieri
Le village a donc été anéanti par les flammes quasiment en une journée : le 7 septembre 1944. Les Molliérois se sont d’abord réfugiés dans des villages des environs, côté français : Saint-Sauveur-sur-Tinée, Isola, Roubion, Roure, etc... où ils trouvèrent un accueil et une solidarité d'urgence qu'il faut rappeler ici.
Un certain nombre de familles revinrent au village détruit en s'abritant notamment dans la caserne des carabiniers, à peu près en état, et y demeurèrent une saison pour la plupart. Mais, finalement, hormis deux ou trois familles qui y restèrent encore plusieurs années, l'ensemble des Molliérois alla s'installer définitivement loin de son berceau, en plaine, principalement dans la région de Grasse, où de nombreux Molliérois de l’exode alpin étaient déjà installés en novembre.
*exemple d'une adresse postale de l'époque d’avant 1947:
Monsieur Giordano Patrick à Mollieres, province de Cuneo Italie, par Saint Sauveur sur Tinée Alpes Maritimes France.
Le facteur desservait le village une fois par semaine selon l'abondance de la distribution. Il fallait plus d'une journée de marche et autant pour le retour. Comme pour le facteur de Mafate ou celui de Girolata, du courage, il en fallait. Surtout l’hiver quand souffle la tramontane et le foehn, ces vents violents qui soulèvent la neige, obstruant les voies d’accès aux maisons. Celles-ci disparaissent parfois en partie sous les amas neigeux ou bien alors le brouillard épais... il fallait se battre et vaincre ces éléments. Pour ne pas se perdre, une borne, un arbre isolé, un vallon servaient de point de repère ».
DIAPORAMA DE MOLLIERE