Avant d'aller à Thiéry, je passe par Lieucho
Thiéry est le nom d’un merveilleux petit village de l’arrière-pays niçois situé dans le département des Alpes-Maritimes. Les villageois qui y habitent s’appellent les thiérois et les thiéroises mais portent aussi le fameux surnom de « Tubans » auquel ils sont d'ailleurs très attachés. Le village de Thiéry, d’après sa célèbre légende, aurait été la proie des flammes à plusieurs reprises et les pierres noircies des murs en sont un témoignage frappant.
En face, j'aperçois le village de Rigaud
La première mention du nom du village remonte à 1064 sous le nom de Teri puis Terio. Au XIIème siècle l’abbaye bénédictine de Lérins (iles de Cannes) possède à Thiéry le Prieuré de La Madone. Au XIVème siècle, la seigneurie de Beuil, dont relève Thiéry, appartient à la puissante famille des Glandèves.
Le Baron de Beuil, Guillaume Rostaing est massacré en 1315 par les paysans de Thiéry à qui il voulait imposer le droit de cuissage (rappelez vous mon article de Breil sur Roya avec la A Stacada). Sa fille unique, Astruge, épouse Barnabé Grimaldi de Beuil (de la famille des Princes de Monaco) banni de Gênes pour raison politique. Le contrat est signé au château de Thiéry.
Pour les trois siècles à venir l’histoire de Thiéry est liée à celle des Grimaldi. Ceux-ci vont peu à peu agrandir leur domaine par la ruse et la tromperie. Ils persuadent le Comté de Nice à se « rallier » au Comte de Savoie en 1388 pour se protéger des Comtes de Provence. Les " Savoie" les récompensent en leur accordant de nouveaux fiefs.
Montagne de Mairola
En 1395 Jean et Louis Grimaldi montent une expédition pour reprendre Monaco qui a appartenu un temps à un membre de leur famille, Rainier 1er, fondateur de la dynastie actuelle. Après avoir reconquis le "Rocher" ils mènent leurs troupes jusqu’à Vintimille (Italie) mais ils sont faits prisonniers. Libérés contre rançon, ils font alliance avec la Provence et la Maison d’Anjou : c’est la guerre avec la Savoie et le Comté de Nice.
Table d'orientation à Rigaud
Vaincus, ils prêtent de nouveau hommage au Duc de Savoie. Les générations de Grimaldi se succèdent. Leur domination s’étend sur une vingtaine de villages. En 1432 Georges Grimaldi partage son domaine avec son frère Honoré. Il est en train d’intriguer avec la France quand son barbier lui coupe la gorge en le rasant. Les deux fils d’Honoré s’emparent du château de Gillette. Les représailles entrainent des morts et des destructions.
L’aîné, René, remplace son père en 1537. Il est assassiné au château d’Entrevaux dans son sommeil par son valet de chambre. Le meurtrier est pendu à Villars sur Var. Son fils Honoré lui succède. Il est fidèle au Duc de Savoie qui le fait Comte. Les Grimaldi se seraient-ils assagis ? Tout se gâte avec son fils Annibal. Entre le Duc de Savoie et celui-ci, qui affirmait orgueilleusement « Io son il conto di Boglio che fa quel que voglio », oppositions ouvertes et réconciliations alternent.
Placette à Thiéry
Annibal intrigue avec le Roi de France, Louis XIII, ainsi qu’avec le Roi d’Espagne à qui il promet de livrer la ville et le pays de Nice. C’en est trop pour le Duc de Savoie. En 1621 le Sénat de Nice condamne Annibal à mort pour haute trahison. Assiégé dans son château de Tourrettes-Revest, il se rend, espérant une fois de plus en la clémence de son Suzerain. Mais celui-ci le fait étrangler par deux bourreaux turcs. Ainsi finit le dernier Seigneur Grimaldi de Beuil.
Le Comté de Beuil est démembré, les forteresses rasées. Les archives qu’Annibal avait entreposées dans sa place-forte de Thiéry, réputée imprenable, sont transférées à Nice. Le fief de Thiéry avec ses droits seigneuriaux est concédé à Philibert de Villana, puis en 1634 au Comte Claretti. A la Révolution le Comté de Nice est annexé à la France. En 1793 des combats ont lieu sur le territoire de Thiéry et Rigaud avec l’armée du traitre Masséna contre les barbets, les résistants niçois, alliés aux troupes Sardes.
Mais en 1814, il reviendra sous l'autorité des Savoie et du Royaume de Sardaigne jusqu'a l'annexion frauduleuse de 1860. Lors du faux plébiscite de 1860, le village compte 217 habitants, mais seulement 64 votent (seuls les hommes majeurs votent) il n’y a que des bulletins "oui" et la plupart des villageois ne savent ni lire, ni écrire et sont sous propagande républicaine.
Le rattachement à la France l'emporte bien évidemment avec une certaine insouciance. Les rêves enthousiastes du début se heurteront vite à la réalité tatillonne de l’Administration française du Second Empire. Dès le début du XIXème siècle la population thiéroise est en baisse constante. La 1ère guerre mondiale lui portera le coup de grâce. Aujourd'hui seul une quinzaine d'irréductible habite le village à l'année.
Vue sur le village de Thiéry
Il y a une légende mystérieuse qui traine dans les ruelles du village de Thiery, la voici: Il était une fois, il y a fort longtemps, un soir de pleine lune et de froid saisissant, une belle cité qui pointait dans la nuit, un beau petit village qui s'appelait Thiéry. Dans ce petit village où l'on veille très tard, où les dernières braises finissent de brûler, au cœur des cheminées des Thiérois fatigués, un fait très important allait marquer l'histoire.
Tout en bas du village, dans une vieille maison, vit une femme veuve depuis bien des années. Elle possède du bois et des terres à blés. Sa demeure vétuste aux murs décrépis paraît comme une ruine et non comme un logis. Ce n'est qu'une apparence, pour l'avare rusée, l'intérieur est rustique et bien aménagé. Comme à l'accoutumée, lorsque le feu se meurt, elle va pour se coucher en regagnant son lit. C'est alors que résonnent en plein cœur de la nuit des coups lourds sur sa porte, qui lui font grande peur.
D'une voix nasillarde, un inconnu s'exprime, il demande chaleur et hospitalité. Tout d'abord elle refuse mais se dit : " c'est un crime" elle ouvre à l'inconnu et le laisse rentrer. L'inconnu s'accroupit puis tend ses mains gercées vers l'âtre aux cendres chaudes, il semble exténué. Il se réchauffe un peu, se tourne lentement et remercie son hôte, en quelques mots tremblants: " Tu m'as sauvé du froid, j'en suis très obligé, ta grande gentillesse, récompenser je veux ton désir sera ordre, formule un seul vœu, à la lumière du jour, il sera exaucé ! ".
La vielle femme soupire, réfléchit un instant, puis répond, ironique, sur un ton nonchalant : " Faîtes grandir le blé qui tarde de mûrir, des récoltes à flots que nous puissions en jouir ! ". L'inconnu se promène, parmi les champs de blés, sa lanterne à la main, et comme une luciole, apparaît, disparaît, sans jamais s'arrêter. Il semble explorer les cultures du sol.
Ferme médievale de Tiéry
Le lendemain matin, juste au lever du jour, lorsque le coq chante, l'inconnu n'est plus là. " Etrange rêve " dit-elle, " mon sommeil fût court, qu'est-ce que ces bruits dehors, qui fait ce raffut-là ? " Le village est en liesse, les gens sont excités, la nouvelle circule dans toute la cité : " Tout le blé a mûri, son grain est bien doré ! Des épis à foison, la récolte est gagnée ! ".
Un an s'est écoulé depuis ce fait marquant et notre paysanne vit toujours en ces lieux. L'inconnu se présente à nouveau en frappant mais l'hospitalité n'est pas maître du jeu. La femme le rejette et lui répond ceci : " Je connais ton secret, je n'ai que faire de toi, continue ton chemin, ne revient pas par-là ! ".
Le vignoble de Villars sur Var (Alpes Maritimes)
C'est alors qu'à la hâte, notre femme s'affaire, allume la lanterne, et s'en va dans les champs. C'est à ce même instant, que dans un courant d'air, elle semble transportée, emportée par les vents. Elle mit le feu au blé, c'est en un rien de temps que récolte et village, partirent en fumée, les flammes ont tout brûlé, le Château y compris. Tous les murs des maisons par le feu sont noircis. Thiéry et sa légende s'inscrivent à présent, Il s'appelle aujourd'hui, Village des Tubans.
Gare du train des Pignes à Villars sur Var
DIAPORAMA DE LA BALADE