Bastion de la résistance niçoise
Pendant l’époque sardo-piémontaise, le village est appelé Levenzo, pour devenir l’actuel Levens, le nom de la tribu ligure des Leponti, transformé en Leventi à l’époque romaine. Le village est bâti à environ 25 km au nord de Nice sur une éminence rocheuse de calcaire jurassique; il culmine à 600 mètres d’altitude au-dessus du confluent de trois cours d’eau : les deux rivières Estéron et Vésubie, et le fleuve côtier Var.
Pour connaitre la tradition qui s'apparente au festin du Boutau, célébrée chaque année dans ce village de l'arrière pays niçois, il faut remonter un peu le cours de l'histoire. En 1434 s’acheva la route du sel qui traversait le village de Levens et permettait la communication avec Utelle et la Vallée de la Vésubie. D’abord fief de la famille Riquier d’Eza, Levens devint au XIIème siècle, fief des Grimaldi de Beuil. La charte signée en 1475 entre Louis Grimaldi et les Levensans leur donne le droit de s’administrer eux-mêmes.
L'église baroque et la Poste
En 1621 les Levensans se soulèvent, investissent le château et plantent sur la place une grosse pierre conique « le Boutàu » sur laquelle ils dansent en signe de liberté. En 1700 les lettres patentes accordées par le Duc Victor Amédée mettent fin à la féodalité: Levens devient « Comtesse d’elle-même ». A la chute de Napoléon, le Comté de Nice retourne au royaume de Piémont Sardaigne jusqu’à l’annexion à la France en 1860.
A partir de cette annexion frauduleuse, Levens devient l'un des hauts lieux de la résistance niçoise. La tradition se perpétue toujours de nos jours, et les festivités sont la, pour rappeler l'histoire héroïque des combattants pour la liberté. Dès août 1789, le comté de Nice commence à ressentir les contrecoups de la Révolution française sous la forme d’un flot de réfugiés nobles et ecclésiastiques.
Le 28 septembre 1792, les troupes du général d’Anselme (1740-1814) traversent le Var, sans déclaration de guerre pénètrent le lendemain dans la ville de Nice, alors Royaume de Sardaigne. Le 17 octobre 1792, les 1150 hommes du maréchal de camp Paul de Barral s’emparent de Levens, puis marchent vers Duranus et Lantosque. Le pillage de leurs biens provoque le soulèvement des Levensans qui attaquent et mettent en déroute les troupes françaises stationnant aux Grands Prés.
Le futur maréchal Masséna (traitre parmi les traitres), né à Nice et élevé à Levens dans les maisons familiales de la Siga et du Serret, fait partie de cette troupe d’occupation et est chargé de « pacifier » ses compatriotes. Masséna mène à bien cette mission par la persuasion et la force, en vainquant les troupes Sardes à la bataille du Brec d’Utelle les 24 et 25 novembre 1793.
La région devient en 1793 le 85e département français, nommé Alpes-Maritimes du nom de la province romaine d'antan (ils n'ont rien inventé). Levens est nommé chef-lieu de canton. L’arrivée des révolutionnaires français entraîne une division entre deux grandes familles de Levens: les Gilletta, fidèles au roi de Piémont-Sardaigne, et les Goiran (origine provençale), qui prennent le parti de la France.
Souvenez vous en, avant de mettre un bulettin des Forces Nazie
L’occupation est marquée par la mauvaise conduite des troupes révolutionnaires qui « vivent sur l’habitant ». Ces exactions sont vivement dénoncées par Victor Tiranty et par le rapport de l’abbé Grégoire remis à la Convention nationale. Elles entraînent en retour un mouvement de résistance contre-révolutionnaire appelé « barbétisme », qui pratique le brigandage et harcèle les troupes françaises jusqu’à la chute de l’empereur Napoléon Ier en 1814. Les deux traités de Paris restituent finalement le comté de Nice au royaume de Piémont-Sardaigne et restaurent les frontières de 1760.
Le pays de Nice retrouve les droits qui sont les siens. Lors de la restauration sarde, le roi Victor-Emmanuel Ier de Sardaigne décide de ne pas exercer de représailles contre ceux qui ont servi le régime français (provençaux), mais s’empresse de supprimer les institutions françaises et de rétablir celles d’avant 1792 : l’état civil retourne au clergé, les anciens poids et mesures sont de nouveau utilisés, l’italien redevient la langue officielle, le nissart est de nouveau autorisé et les nominations remplacent les élections.
La Balade de François Fulconis qu’on appelait Lalin
(Paroles de Jouan Lùc Sauvaigo)
Daignez accepter ici la triste histoire
De François Fulconis qu’on appelait Lalin
Ils lui ont volé l’honneur et sali la mémoire
Et c’est justice de chanter son destin
Beau et habile, il y a un tailleur à l’Escarène
La clientèle vient jusque des autres vallées
Il est intelligent et se donne de la peine
Oui, Choa Fulconis est un homme de bon sens
Ecoutez le destin de François Fulconis qu’on appelait Lalin
Il s’est marié mais la guerre éclate à nouveau
C’est l’ouragan de cette année 92 (1792)
La France occupe, « civilise » et empoche
A la disgrâce ne s’ajoute que la tricherie
Une saloperie d’officier de cette soldatesque
De François Fulconis déshonore l’épouse
Un homme droit se venge de vilenie
Le groupe piemontais n'a pas froid, ils doivent etre habitué ces montagnards.
En François Fulconis naît Lalin, le barbet
Vous avez tenu, miliciens de la Countea
Pendant cinq ans entre Saorge et Saint-Martin
Mais sur la crête s’évanouit l’épopée
De ces vaillantes brigades, c’est ainsi
Prince de Savoie, traître, vous abandonne
Le 28 avril de 96, A l’ennemi sans foi qui vous hait
Avec les résistants, aucune pitié, aucune loi
Un jour que l’Etat Major français faisait bombance
Lalin, vêtu d’un uniforme d’officier
S’est invité plein d’audace. Par dévers soi
Il se moque et ainsi attend le café
Puis en cachette il emporta l’argenterie
Leur laissant sous l’assiette un billet :
« bâtards, vous payerez vos tromperies
Mort aux Français ! »
Signé de Lalin le barbet
Les Français le cherchent partout
Mais aucun piège
N’a jamais pu attraper Lalin, barbet d’honneur
Il se déguise, il a tend de ruses qu’ils laissent pantois
La Garde Nationale, « blanche » de terreur
Il a tant d’audace, il se moque et défie
Que l’occupant, à force, trouve la brebis galeuse
Pour des promesses d’or, le judas se décide
C’est son plus proche ami qu’on surnomme Chichoun
La vieille Parpaniacca porte la nourriture
Le traître, dans un barillet, verse le poison
Les barbets mangent, boivent, mais Lalin s’endort
Chichoun tire la tête ! Un coup et puis plus rien
Lié sur une mule, ils l’ont descendu à Nice
Malgré sa mère qui pleurait de douleur
La République pour nous faire sienne nous brise
D’une nation elle efface l’esprit et l’honneur
Pour ma part, il me semble qu’il fallait pour l’histoire
Que les barbets fussent traités d’assassins
Sinon comment justifier la victoire
Des renégats, des traîtres et des saboteurs ?
Tant d’autres sur la crête sont partis
Comme Fulconis que l’on appelait Lalin
Ils lui ont volé l’honneur et sali la mémoire
Justice soit de chanter son destin
A la Nouostra istoria , sempre fedel .....
DIAPORAMA DE LEVENS