Appréciée de Hemingway, Francis Scott Fitzgerald et Sidney Bechet, la station balnéaire de Juan-les-Pins est créée en 1882 par un banquier qui sentait monter l'attrait de ce qu'on appellerait plus tard la Côte d'Azur et qui s'est développée dans les années 1920 sous l’impulsion de l’Américain Frank Jay Gould.
Le 7 juillet 1960 le festival de Jazz de Juan les Pins fût lancé. Tous les grands vinrent : Louis Armstrong, Count Basie, Charles Mingus, Miles Davis, Ella Fitzgerald, Duke Ellington, Sarah Vaughan, Ray Charles, Herbie Hancock, Georges Benson, Keith Jarrett, Al Jarreau.... Ray Charles y fit même ses débuts ! Sidney Bechet, tombé amoureux de Juan, s'y maria en 1951.
le légendaire Hotel Belles Rives
Si Juan-les-Pins accueille, en 1960, le premier Festival Européen de Jazz, ce n'est pas par hasard. Près de 42 ans avant, dès ses débuts, le jazz y a débarqué. C'est là qu'est né le mythe mondial du «jazz âge» et des Enfants du Jazz. Tout a commencé, par un vrai conte de fée, en 1923, l'année où Louis Armstrong enregistre à Chicago ses premiers 78 tours avec King Oliver, premiers Chefs-d'œuvre du jazz. Cette année-là, un jeune couple d'Américains, beaux et immensément riches, s'installent au Cap d'Antibes où ils se font construire une belle villa baptisée « America ».
Salon au Belles Rives
Alors débute cette histoire passionnante qui fait d'Antibes Juan les Pins un creuset capital de la musique afro-américaine, mais aussi de l'art et de la culture moderne. A cette époque et bien longtemps avant la médiocre et devenu vulgaire Saint Tropez, le music-hall et la chanson fournissent le plus gros contingent de célébrités juanaises: dès son ouverture le nouveau casino est devenue la principale annexe des grandes salles parisiennes, Maurice Chevalier et Mistinguett viennent y abriter leurs amours.
Folle de Juan, Mistinguett y ouvrira d'ailleurs son propre cabaret à la réputation sulfureuse, « La Cage à Poules ». En 1929, Mayol inaugure au cœur de la pinède le Théâtre de Verdure, en plein air, qui est l'ancêtre de la scène Jazz à Juan. On verra défiler (et séjourner) à Juan la quasi-totalité des vedettes de la chanson. Les meilleurs sont les plus assidus : Joséphine Baker, Tino Rossi, Charles Trenet, Edith Piaf, Yves Montant, Léo Ferré …
L’histoire de l’Hôtel Belles Rives commence avec l’engouement des américains pour la Côte d’Azur. En 1925, Juan les Pins accueille les frasques des Scott et Zelda Fitzgerald qui se prirent d’affection pour la région, tombent sous le charme d’une demeure baptisée "villa Saint-Louis". Outre d'y avoir écrit l’œuvre "Tendre est la Nuit", Scott Fitzgerald et l’extravagante Zelda y donnaient de nombreuses fêtes, accueillant des célébrités telles Hemingway, Gerald et Sarah Murphy, Rudolph Valentino, Florence et Frank Jay Gould, Picasso...
Une vie de nuit, de champagne, d’extravagance, de douce décadence... et les Fitzgerald feront de Juan les Pins un rendez-vous mondain très en vogue, où la jet-set de l’époque aime s’encanailler tout en cultivant une certaine idée de la modernité. Quelques années plus tard, la villa Saint-Louis deviendra le légendaire Hôtel Belles Rives.
L'hiver demarre sur la Cote d'Azur
Dans le même temps, à mille lieux de la Méditerranée, Boma Estène rompt avec sa Russie natale et part à la découverte d'Antibes et de la Riviera, réalisant ainsi les rêves qui avaient bercé son enfance. En 1929, il achète la villa Saint-Louis avec sa femme Simone, issue d’une dynastie d’hôteliers. Très vite, ils vont transformer cette grande bâtisse en villégiature. L’Hôtel Belles Rives, premier hôtel "les pieds dans l’eau" de la Côte d’Azur, est né.
les plages sont calmes
Les stars aussi adoptent le Belles Rives, les nuits deviennent américaines, le livre d'or est impressionnant: Mistinguett, Maurice Chevalier, Jean Cocteau, Lartigues, Eddy Barclay, Ray Charles, Miles Davis, La duchesse de Kent, la duchesse et le duc de Windsor, S.A.R Umberto de Savoie, Jeanne Moreau, Gerard Philipe, Edith Piaf, Yvan Rebroff, Serge Regiani, Omar Sharif, Charles Trenet, Django Renhart, Terence Young, S.A le prince Edward d'Angleterre, Le Roi Albert II de Belgique, Nadine de Rothschild, Cab Calloway, Sarah Ferguson, Johnny Hallyday, Robert Hossein, Julia Migenes, Andy Mc Dowell, Olivia Newton Jones, Isabella Rosselini, Georges Clooney, Cindy Crawford, Catherine Deneuve, Francois Hollande, Dennis Hopper, Mike Jagger, Ringo Starr, Rod Stewart, Lambert Wilson, Jude Law, Darryl Hannah etc .....
Depuis 1986, Marianne Estène-Chauvin, la propre nièce d’Estène, est venue ajouter aux charmes d’une remarquable direction d’hôtel son dynamisme d’artiste et son enthousiasme. Troisième génération d’Estène à la tête de ce petit palace. Grâce à ses soins, le Belles Rives n’a pas perdu un atome de sa linéaire et discrète splendeur. On y croise des écrivains, des musiciens et des acteurs aussi sûrement que les fidèles Eve Ruggieri, Françoise Gillot ou sa fille Paloma Picasso.
Ici, luxe et différence sont cultivés avec soin. Jouant des ombres chaudes, Helmut Newton a immortalisé dans ce décor l’une de ses flamboyantes muses. De Robert Hossein à André Téchiné, de Sandrine Kimberlain à Jude Law, réalisateurs et acteurs de cinéma demeurent au Cap d’Antibes durant les dix jours du Festival international du Film de Cannes, de même que Dee Dee Bridgewater ou Diana Krall, pendant le Festival de Jazz, apprécient l’ambiance incomparable du Bar Fitzgerald.
Fait rare dans l’histoire des prix décernés aux Palaces. L’Hôtel Belles Rives est arrivé lauréat dans deux catégories : « Best Terrace in a Hotel in Europe » et « Grand Prix of the Best Charming Hotel in Europe ». L'histoire de l'hôtel est donc rattaché à la légende de Gatsby le Magnifique.
Immeuble art déco bien sur !
L'illustre homme de lettres », en l'occurrence, est un beau et sale gosse américain, un débutant fêté qu'on ne saurait dissocier de son épouse, encore plus jeune. Francis Scott Fitzgerald et Zelda, à peine un demi-siècle à eux deux. C'est le golden couple des années 1920, flamboyant et déjà un peu flambé. Au commencement des Roaring Twenties, ayant quitté les États-Unis coupables à leurs yeux d'avoir voté le dix-huitième amendement (la prohibition), ils veulent vivre vite, de coups d'éclat et de feux d'artifice plutôt que de bouts de chandelle.
ou mauresque...
Cole Porter, qui donne aussi le ton en matière de mœurs, a décrété que rien ici-bas n'égalait la Côte d'Azur hors saison, c'est-à-dire, dès le mois de mars. Ses amis Murphy partagent la même dilection. Gérald, héritier bostonien d'une sorte d'Hermès yankee, et Sara Murphy forment un couple également jeune, séduisant et vraiment riche. Entichés des « Fitz », dont ils figurent à la fois les modèles et les mentors, ils les invitent à rejoindre la petite bande d'Américains snobs et excentriques qui robinsonnent au Cap-d'Antibes, odorant et grec à souhait.
Sans le savoir, ils y lancent la mode des baignades, des peaux nues et cuivrées, le deuxième âge d'or de la Riviera après les Russes et les Anglais. En 1924, Gatsby le Magnifique lui rapporte 28 000 dollars. Une maison se loue autour de 60 dollars par mois. Pour le prix d'une seule nouvelle, Scott achète un coupé 6 CV Renault, qu'il conduit comme un sagouin.
S'agissant des diverses demeures occupées par ce couple déménageur entre Cannes et Nice, la seule qui importe est la villa Saint-Louis à Juan-les-Pins. Parce qu'elle récapitule toutes les autres, qu'elle est la matrice romanesque de Tendre est la nuit, en grande partie écrit là et parce que Scott en a dit ceci : « De retour à ma Riviera bien-aimée dans une belle villa, je suis plus heureux que je ne l'ai été depuis des années. Le dandy mélancolique, petit neveu de Baudelaire et de Poë, parlant de bonheur ! Ne serait-ce que pour cette raison, Saint-Louis méritait de passer à la postérité.
C'est une sorte de fermette néonormande, adossée à la fameuse pinède et sise en bord de mer, sur ces terrains qui ont alors si peu de valeur qu'on les abandonne aux filles sans dot. À l'époque, seules les hauteurs sont chics. Picasso vit à portée de voix de Saint-Louis. Un peu plus haut encore, au château de Juan-les-Pins, réside le gentil bellâtre, Rudolph Valentino. Alors, ce bonheur de 1926, faut-il le cantonner au mol emploi du temps de l'été : plage, collation, sieste, plage, dîner, soirée, le tout arrosé jusqu'à plus soif ?
Les Murph' sont très sherry, mais tout ce qui se boit est bu. S'agirait-il d'une félicité conjugale ? Si tel est le cas, ce serait à la Fitzgerald. Depuis leur première brouille, prémaritale, ils vivent sur le registre fusionnel : ni avec toi ni sans toi. Tu bois ? Je m'abrutis d'alcool. Tu lances de la crème glacée dans le décolleté de la princesse; tu gâches la fête donnée en l'honneur d’Hemingway. Je danse sur la table du casino, jupe retroussée. Tu conduis comme un fou ? Je te demande du feu dans le virage au bord du ravin.
le petit port de l'Olivette ou se promenait Marléne Diétrich
« L'instinct de conservation n'est pas notre fort », note placidement Zelda. Leur « couple de dingues » a besoin d'excès, mais aussi de l'antidote qu'offre Saint-Louis, où tout semble si frais, si neuf. En tout cas, la parenthèse se referme fin 1926. Francis Scott Fitzgerald est appelé à Hollywood, et Zelda, qui commence à entendre les fleurs lui parler, entame sa tournée des cliniques. Ils vont vers le dénouement que l'on sait. Mais la maison du bonheur leur survivra. L'hôtel "Belle Rive" va devenir un mythe...
DIAPORAMA DE LA BALADE