Lorsqu'Henri Matisse découvre Nice à 48 ans, il vit cette rencontre comme une révélation. La lumière du ciel, les reflets de la Méditerranée trouvent chez le maitre de la couleur une résonnance telle, que le peintre honorera la Cote d'Azur d'une fidélité et d'une passion indéfectibles. Durant les presque 40 années qu'il partage avec la région niçoise, l'artiste y puise l'inspiration qui traverse une œuvre d'une immense sensibilité dédiée au sens et au beau ...
Avant d'aller se délecter d'un très bon repas gastronomique à la villa restaurant "les bacchanales", il est de bon gout de se promener dans les ruelles médiévales de Vence, la vision de ce village merveilleux est tout aussi importante que les saveurs de la cuisine du soleil. Vence à l'instar de Saint Paul est un village d'artistes qui respire l'innovation artistique et l'élégance architecturale. Matisse ne disait il pas: "Quand j'ai compris que chaque matin, je reverrais cette lumière, je ne pouvais croire à mon bonheur".
Notre dame de la nativité. Vence le village aux 70 éveques.
Le problème en hiver sur la Cote d’Azur, ce n’est pas le manque de lumière, pour cela, il n’y a aucun souci. Non ! Ce serait plutôt les travaux publics commandés par les municipalités et qui empêchent parfois de réaliser de bons clichés sans voir une grue, un tractopelle, ou des tranchées. Bon ! Je comprends aussi que l’on profite de la saison calme et de l’hiver doux pour faire ces grandes manœuvres….
De son passé ligure, Vence a conservé le souvenir visible des vestiges d’un arc de triomphe romain, la Tour qui domine la cité médiévale, érigée au 12e siècle, le Château de Villeneuve datant du 17e siècle, les nombreuses portes et ouvrages d’architecture... Des merveilles qui se cachent et se révèlent au gré des rues étroites. Pour tout cela, Vence n'a rien à envié à sa cité jumelle internationalement connue Saint Paul de Vence, fleuron de la Côte d'Azur riche de son cadre exceptionnel et de son patrimoine culturel. Les touristes qui viendront dans ce coin de paradis feront coup double avec les deux cités. Art et gastronomie sont à égalités.
la chapelle des pénitents blancs
En juin 1943, Nice est menacée par les bombardements, Henri Matisse s’installe à Vence, à la Villa « Le Rêve ». Depuis sa chambre du premier étage, Matisse y trouve la lumière, la nature et les conditions qui inspireront quelques unes de ses plus belles œuvres. C’est depuis la Villa située à quelques pas de la Chapelle du Rosaire, que Matisse réalisera des œuvres majeures dont la célèbre « Nature Morte aux grenades » ou encore « Nature Morte devant fenêtre au Palmier ».
Matisse appréciait sa terrasse fleurie, son jardin aux essences méditerranéennes qui inspireront également son œuvre, et l’exceptionnelle vue sur la Cité Historique de Vence. Juste à coté de la villa se trouve "La Chapelle du Rosaire", chef d’œuvre conçu par le Maitre, un monument d’art sacré unique au monde. De 1948 à 1951, Matisse élabore les plans de l’édifice et tous les détails de sa décoration: vitraux, céramiques, stalles, bénitiers, objets du culte, ornements sacerdotaux...
Pour la première fois, un peintre réalise un monument dans sa totalité, de l’architecture au mobilier et aux vitraux. Installé à Vence Matisse, malade, engage une jeune infirmière, Monique Bourgeois qu’il qualifie de « magnifique personne » et dont il apprécia beaucoup le dévouement. Elle devient sa confidente et son modèle (l’Idole, La Robe verte et les Oranges), elle aime dessiner et s’intéresse au travail de Matisse.
La Maison de Matisse et son oranger toujours aussi chargé en fruit
Pourtant, c’est une autre vocation qui l’appelle, en 1946, cette jeune femme entre dans les ordres de Saint Dominique et devient Sœur Jacques-Marie. Devenue sœur soignante, elle continue à prodiguer des soins au peintre. En août 1947, Sœur Jacques-Marie confie à Matisse son désir de voir décorer l’oratoire aménagé par les religieuses dans une pièce de leur couvent.
la maison de congregation des bonnes soeurs
Je n'ai malheureusement pas pu visiter la chapelle du rosaire, étant fermé pour restauration, tout comme la villa de Matisse qui est en pleine rénovation et réhabilitation par la mairie de Vence. Avec Soso, nous nous rendons dans la villa voisine à celle de Matisse, occupé par le chef étoilé Christophe dufau. Aujourd’hui cette grande villa renait de ses cendres sous la louche inspirée de l’enfant du pays.
(photo de la chapelle prise sur internet)
Jeune passionné de gastronomie notre apprenti cuisinier part découvrir les saveurs dans des pays à l'opposé de sa Provence natale. De Londres au Danemark, de Los Angeles à Kuala Lumpur notre futur chef veut parfaire sa connaissance. De retour en France pour effectuer son service militaire, il est affecté au service du Ministre de la Francophonie, Alain Decaux. À l’issue de cette période extrêmement enrichissante, sorte de formation de troisième cycle sous les ors de la République, il rejoint l’équipe de Bernard Loiseau à "La Côte d’Or" le célèbre 3 étoiles Michelin de Saulieu.
restaurant les Bacchanales
En l’an 2000, il revient à ses premières amours provençales, s’installe à Tourrettes-sur-Loup (Alpes-Maritimes), s’associe et ouvre l’Auberge de Tourrettes. Cette même année, il remporte le prix de la Cuisine Provençale à Sainte Maxime et sa cuisine est honorée d’un 15/20 au Gault et Millau. L’association ne lui permet cependant pas d’exprimer son potentiel et il ouvre seul son propre restaurant, à un jet de pierre, en 2005 : « les Bacchanales ». En l’honneur de ces fêtes religieuses célébrées dans l’Antiquité, dédiées à Dionysos-Bacchus, dieu du vin, de l’ivresse et des débordements orgiaques et dont notre carnaval actuel est l’héritage direct.
Il y propose selon le marché et l’inspiration un choix de 7 plats. La plupart des guides le répertorient, le Guide Gantié célèbre même « l’une des tables les plus enthousiastes de la région », le Gault et Millau le gratifie d’un 14/20 et, après une année à la rubrique « espoir », le millésime 2008 du Guide Michelin vient d’attribuer sa première étoile. Le restaurant est un enchantement à l'art auquel Matisse aurait apprécié à sa juste valeur.
Brandade de merlu et poulpe, carotte, topinambour et cumin
L’espace a été confié à Christelle Chassin, architecte d’intérieur qui a étudié les Arts et le design à Los Angeles et a perfectionné son style à Rome. Christophe souhaitait une décoration légère, qui offre un rendu quelque peu féérique. Spécialiste de la restructuration, de la récupération et de l’agencement personnalisé, elle a donc conçu pour l’entrée un étonnant bar en forme de cuillère qui accueille un bac à champagne intégré. Un haut luminaire en verre soufflé de Biot le surplombe, constitué d’autant de boules qui évoquent les bulles pétillantes d’une mise en appétit au lyrisme gourmand.
Fromage frais de chèvre des Courmettes enfumé, confiture de noisette et ses noisettes confites
La compagne de Christophe, Esty Grossman, canadienne et artiste en bijoux contemporains, a elle même contribué au choix des objets et de la décoration. Elle qui vit intensément sa passion pour la mer et les métaux précieux, trouve entre l’eau et le métal des parallèles déconcertants et en dessine de petits chefs-d’œuvre d’orfèvrerie. Les porte-menus sont nés de son imagination. Joliment baptisés «Les bouchées d’amour», ils sont martelés de petites fourchettes et cuillères en cuivre patinés de rouge.
Canard de rizières camarguaises, charbon de légume, poire et violette de Tourrettes
Ses assiettes en cristal taillées à la main s’enluminent d’impressions de champs de fleurs ou de libellules tandis que sa collection de «Banderillas», brochettes en argent massif, sont autant de pièces uniques, évoquant graine ou fleur séchée. Autour de chacun des pics s’enroule en ondulant une plante grimpante, tel un cep de vigne. L’accueil est assuré par la nouvelle chef de restaurant, Sophie Dehouck, ancienne du Moulin de Mougins, et de l’Hôtel Négresco.
Brocoletti, truffe noire et mimosa et Vin blanc Corse Domaine Abbatucci
La convivialité qui a fait le succès de la maison demeure inchangée. Le chef énumère lui-même menus et explications ainsi que la première prise de commande. Le carrelage est le même que celui du métro parisien, agrémenté d’une mosaïque murale, libre interprétation des «algues» de Matisse par Caroline Daugreilh. Ce motif, repris de l’arbre de vie du peintre qui orne la chapelle éponyme proche, est un hommage appuyé à l’œuvre de ce talentueux voisin.
Chocolat noir, orange et safran avec ses chips et sa soupe de topinambour
Vous avez compris qu'en venant festoyer dans ce "petit" restaurant, vous faites coup double ! Le bonheur de l'art et de la gastronomie, est une adition pour la Saint Valentin tout à fait raisonnable !
DIAPORAMA DE LA BALADE