Itinéraire à ne faire que par très beau temps
La piste démarre à la chapelle de Chateauneuf d'Entraunes (Alpes Maritimes) faire sa prière avant de faire la route
Aux sources de la Barlatte, le hameau médiéval des Tourres aux beaux toits de bardeaux annonce le col de Trente Souches, dont les pâturages donnent lieu à une gestion expérimentale; en toile de fond, se dresse l’hiératique cime de Pal. En altitude, le mélèze est l'essence dominante jusqu'à ce que la forêt laisse place à la pelouse alpine, terrain de jeu principal des marmottes.
La piste qui mène aux Tourres considérée comme une départementale (RD 174)
Les dieux se sont réfugiés au cœur des régions montagneuses, prédisposant les sommets à devenir de fascinants hauts lieux de l’étrange. A l’extrémité des Alpes du Sud, le Parc naturel du Mercantour à confirmé avec éclat cette vocation établie depuis les origines de l’humanité.
La piste passe au milieu de Marnes instables... aucune barrière de sécurité, cela est complètement inutile et elles seraient emportées à chaque pluie car le terrain est flottant
Accrochés à la caillasse au-dessus de gorges étroites et impénétrables, les villages perchés, maintenus à l’écart des bouleversements, ont su résister au temps et garder d’admirables témoignages du passé.
La piste de la peur...une idée de ce qui vous attend !.....à droite c'est un précipice de 200m
Parmi ceux-ci, des récits originaux véhiculés jusqu’à nous par les bourrasques du mistral comme autant de feuilles d’automne. Dans mes articles sur les villages oubliés du comté de Nice, perdus en haut quelque part au fond des vallées alpines, serait incomplète sans citer le hameau des Tourres.
Plus bas les gorges de la barlatte ...400m de profondeur. Ici un rocher peut tomber à tout moment
Le hameau est avant tout desservi par une piste carrossable, ouverte l’été sur un parcours accidenté, franchissant une géographie perpendiculaire, faite de roches abruptes coupées et de gorges impressionnantes.
Si par malheur vous rencontrez une voiture, la marche arrière peut faire 200m avant de trouver un petit espace
Après avoir quitté le village de Chateauneuf d'Entraunes et grimpé le long de coulées marneuses grises, la voie s’engage dans un cirque hostile de bout du monde, écrasé par les falaises jaunes du calcaire jurassique dominant les gorges encaissées de Saucha-Nègre, puis de la Barlatte.
A la sortie du tunnel .... des gorges profondes et étroites
inespéré, un étroit tunnel s’ouvre alors pour franchir l’hostile barrière rocheuse et permettre un débouché vers le large bassin de la haute vallée de la Barlatte, qui se développe ensuite en de vastes alpages.
Une moto neige laissé sur le parcours. elle servira cet hiver.
Au lieu dit les Palus, la chapelle de Notre Dame des Grâces a été restaurée. Les premières maisons regroupées formant le hameau des Tourres s’étagent plus haut dans les près, à 1680m d’altitude.
Il y a un beau refuge à la Cime de l'Aspre 2500m. Photo du haut, rappellez vous, cette route est une départementale..
Aujourd'hui, le plus souvent désert, cet écart témoigne de la présence d’une ancienne communauté médiévale, installée au centre de prairies entourées d’un cirque majestueux de montagnes, dominé par la pyramide de la cime de Pal.
Nous sommes deja à 1690m ...devant nous le Mont Mounier à presque 2900
Dans un temps pas si éloigné, un chemin muletier suivait la rive droite de la Barlatte avant de prendre son élan pour se hisser en lacets vertigineux sur la rive gauche.
Les Tourres et en toile de fond la Cime de Pal 2818m (Alpes Maritimes, Comté de Nice)
Il reliait pour les foires les sentiers de Guillaumes à ceux de Saint Etienne de Tinée par le col de Pal. Egalement route du sel, il apportait cette denrée indispensable à l’économie depuis les salins d’hyères et de Nice, jusqu'aux Alpes et aux confins piémontais.
Les Tourrès de Chateauneuf D'Entraunes (Alpes Maritimes)
Aujourd'hui le sel nécessaire pour les bergers est apporté par hélicoptère. Draille de transhumance de temps immémoriaux, il drainait aussi les troupeaux au rythme des saisons. Cette chaone aride, traversée plus haut par le passage du col de Pal, séparé les bassins du Var et de la Tinèe.
Entre la barrière de Chabrièra et la fort de Barels, un ravin creusé depuis la crête de la montagne, transporte des blocs de grès plus rose que celui d’Annot. Ce matériau, résistant au feu, a servi à des générations pour construire voutes et soles des fours familiaux, aujourd'hui définitivement éteints. Ceux-ci jouxtent encore chaque ferme des Tourres.
L'église Saint Anne des Tourrès avec son clocher à 2 cloches
Fermes ruinées, fours morts, chapelles aux toitures effondrées, moulins sans roue, cimetières aux murs croulants, rares fermes désertées tel est le triste inventaire qu’offre de nos jours les Tourres, modeste agglomération qui connut son heure de gloire au XVIIème siècle. L’ensemble est centré sur le clocher à peigne, portant encore ses deux cloches, dressé sur la chapelle Sainte Anne au toit de bardeaux.
A coté, la fontaine qui l’automne n’égrène plus qu’un mélancolique chapelet de gouttes. Autour, trois ou quatre toits aux bardeaux disjoints ne fumant même plus l’hiver tant est décourageante la route d’accès enneigée et dangereuse. Avant la première guerre mondiale, le hameau vivait encore en vase clos comme au temps de ses origines.
De vastes champs de blé, de seigle, ou d’orge occupaient les près des zones moyennes ou inférieures. Le grain restait ici quatorze mois sous terre. Lentilles, vesces, pommes de terre alternaient sur les pentes sèches des adrets. Chaque maisonnée possédait une centaine de moutons, quelques chèvres, une ou deux vaches, deux cochons, parfois un âne et deux mulets, l’ensemble assurant nourriture et travail pour l’année.
La Cime de Pal n'est qu'a 2818m d'altitude (comté de Nice)
S’y ajoutaient quatre ou cinq ruches rustiques et quelques volailles. Les fruits provenaient des cerisiers, groseilliers et pruniers sauvages (les affatous), complétés par les noisetiers bordant les chemins.
L'école (L'escola) toujours mentionné en langue niçoise que l'on nomme le gavot nissart
L’huile rare était extraite des noix de quelques noyers, ainsi que des nombreux noyaux des affatous. La vie s’écoulait dans ces grandes masures basses, enfoncées à l’arrière jusqu'au toit dans le sol avec lequel elles font corps contre les vents d’hiver.
Cette disposition facilite aussi le balayage des toitures écrasées de neige. La fin du XVIIIème siècle et particulièrement la période de paix qui suivit le Traité de Turin de 1760 (ou le territoire voisin de Guillaumes fut rattaché au comté de Nice) sont reconnus ici comme une époque de prospérité. Dans la petite vallée, les bâtisseurs s’activent avec un gout particulier pour la décoration.
des panoramas à couper le souffle
La poussée démographique n’est pas étrangère à ce sursaut constructeur. Si jusqu'en 1760, Guillaumes était en Provence, Chateauneuf était en Savoie (Nice était la Savoie), ce qui ne manquait pas de compliquer les démêlés entre villages au sujet des pascoli (pâturages) puisqu’il s’agissait de frontière d’états (France et Maison de Savoie).
Marnes noires (roche calcairogréseux)
Le langage pratiqué "lou gavuot", occitan influencé par l’apport des transhumants du piémont voisin est aujourd'hui presque abandonné. La scolarisation a laissé progressivement place à l’usage du français qui s’est imposé. Seuls quelques anciens perpétuent encore la langue colorée et rocailleuse de leurs ancêtres.
30° sur le littoral... 16° aux Tourres. L'air pur du Haut Pays Niçois, le bonheur total !
Chaque année, la Chambre d’agriculture des Alpes Maritimes utilisent l’héliportage pour monter vivres et matériel dans les cabanes d’altitude, et éviter ainsi aux bergers de jouer les sherpas.
les moutons et les chèvres en estive.... (à la ferme brousse de vache, fromage de chèvre et tomme)
Pendus au bout d'un câble, baladés par un hélico, d'énormes paquets blancs se balancent au-dessus des cimes des hameaux isolés du Parc du Mercantour. A l'intérieur des sacs : matelas, bouteilles de gaz, chalet en kit, nourriture pour les bergers, croquettes pour les patous ou sac de sel pour les brebis.
les toits en bardeau
Tout le nécessaire pour trois mois d'estive dans les alpages. Quatre jours pour monter, en 268 rotations d'hélicoptère, 215 tonnes de vivres et de matériel dans les cabanes d'altitude des vallées du Var (le fleuve pas le département), de La Tinée, de La Vésubie et de La Roya.
Le Parc National du Mercantour dans les Alpes Maritimes est le plus isolé de France et l'un des plus sauvages d’Europe avec les dolomites en Italie. Un sacrè coup de pouce pour les 270 éleveurs du département, mis en place en 1976 pour leur faciliter la vie, compte tenu des contraintes du relief. Dans les sacs, il y a cinq tonnes de provision.
Oui ! Nous sommes dans le meme département que Cannes et Juan les Pins
Quand on sait qu'on met 40 kg sur le dos d'un âne et qu'il faut trois heures pour monter, pour certains d'entre eux, il faudrait deux semaines pour tout apporter à pied.
Au Moyen Âge, les bardeaux étaient très répandus
Ce hameau a su garder son caractère architectural originel typique de l’habitat rural des hautes vallées niçoises. Murs de pierres bâtis au mortier de chaux et toitures en bardeaux de mélèze en sont les éléments les plus aisément identifiables.
Les bardeaux sont de petites plaques en bois de Mélèze
Les français ont tendance à oublier que Nice était la Savoie autrefois... et le royaume de Piemont Sardaigne
Cet itinéraire offre un spectacle grandiose lors du franchissement des gorges de Saucha Négra : en effet, le tracé de la piste taillé à flanc de hautes falaises calcaires domine de plusieurs centaines de mètres l’impétueux torrent de la Barlatte, redouté de tout temps pour la violence de ses crues.
les gouttières en bois sont sculptées de personnage ou d'animaux
Le moindre faux pas sur cette piste vertigineuse, la moindre mauvaise manoeuvre de votre véhicule et c’est le drame assuré. Ne vous engagez jamais par temps de pluie car les marnes calcaires sont instables. Chaque année le conseil département doit refaire la piste pour permettre à la douzaine d’habitants de rejoindre leurs maison…
On reprend la route de la peur pour descendre à Chateauneuf d'Entraunes. La suite au prochain épisode
DIAPORAMA (1) LES TOURRES FLEURS ET FRUITS
DIAPORAMA (2) LES TOURRES
Je suis né au bord de mer, mais la montagne est mon pays. Il n'y a pas plus beau que la montagne....
