Lieu de pouvoir emblématique, l'actuel palais préfectoral de Nice, ancien palais des souverains de la maison de Savoie, fait partie de la vie niçoise et de son histoire jadis liée au royaume de Sardaigne. Son histoire intimement liée à l'histoire locale, nationale voire internationale, mérite qu’on la rappelle à tous.
Suite aux accords de protection du duché de Savoie (qui deviendra royaume) en 1388 une nouvelle administration se met en place dans le pays de Nice, fonctionnant depuis plus de 300 ans en petite république à l'image de Gênes, Florence, Pise ou Venise et refusant toujours la main mise de la Provence.
Vue sur les térrasses des Ponchettes et la mer
Le pouvoir central, à savoir le duc et sa cour, résident alors à Chambéry. Ainsi, dés la fin du XIVe siècle, la Maison de Savoie (Casa Di Savoia) met en place le cadre d'une administration centrale destinée à gérer les nouvelles terres de Méditerranée orientale. A Nice, le pouvoir savoyard est représenté par trois personnages: le gouverneur de la ville et du comté, appelé " Monsignor di Nizza", surnommé "les yeux et les oreilles du duc de Savoie à Nice", qui se doit d'être au courant de tout, le colonel commandant les forces militaires et le capitaine du château qui sont chargés, pour leur part, d'exercer le pouvoir militaire et la protection de la ville et du pays de Nice.
Acquérant tout au long des XVe et XVIe siècle une importance stratégique majeure, Nice devient une capitale des plus importantes qui doit désormais se manifester physiquement par l'érection d'un palais. Peu après son accession au pouvoir en 1553, le duc Emmanuel Philibert qui avait résidé à Nice durant son adolescence, fait entreprendre la construction d'une résidence dans la ville.
En effet, jusqu'a la construction du palais, les souverains savoyards qui se rendaient à Nice logeaient au château. Mais la construction de la citadelle va encourager Emmanuel Philibert à s'installer dans la ville basse, parmi ses sujets. Lors de l'arrivée du duc à Nice le trois novembre 1559, il apparait à ses sujets du haut de "sa maison d'habitation" et ne loge donc plus au château.
En 1561, le palais ducal se dresse sur "la place de Saleia" et le duc y résidera lors de chacun de ses séjours à Nice. Le bâtiment ducal est alors qualifié de " Palazzo Novi di Sua Altezza". Un incendie ravage le palais en 1610 et c'est en 1613 qu'il est reconstruit puis inauguré au début de l'année 1614 par Charles Emmanuel. Le lieu choisit par Emmanuel Philibert pour la construction de ce palais n'est pas anodin.
Situé dans la ville basse, dans un quartier vivant et actif entre la Marine et le couvent des Dominicains, la ou se trouvaient encore des terrains vierges, le site va permettre l'aménagement vers la mer d'un vaste jardin privé qui sera plus tard clôt par des écuries et le magasin du sel. La structure du palais pouvait ressembler aux palais piémontais avec coté ville, une façade monumentale, expression du pouvoir et dégagée par une place pouvant accueillir des manifestations populaires, qui s'oppose à une façade plus légère ouverte sur les jardins vers la mer. Un canal d'arrosage sera même établi par un ingénieur.
A partir de 1688, les gouverneurs de la ville et du comté ainsi que les intendants généraux avaient leur résidence officielle au palais, ce qui n'excluait pas des résidences particulières en ville à l'instar de Maurizio de Savoie, gouverneur à partir de 1639, qui résidait au Malonat. Dés lors, le palais devient le lieu de réception des membres des familles nobles de passage à Nice comme lors de la célébration de l'anniversaire de la Regente Chrestienne de France en 1645 ou de la réception en septembre 1701 de Marie Louise Gabrielle, fille de Victor Amédée II, en route vers l'Espagne.
L'aigle aux ailes déployées, embleme heraldique du pays de Nice
Les séjours des souverains savoyards sont aussi l'occasion d'apporter des améliorations ou de faire effectuer des réparations. La période troublée de la fin du XVIIe siècle et le début du XVIIIe siècle durant laquelle la ville de Nice est assiégée deux fois par les armées du roi de France (1691 et 1705) s'achève avec le traité d'Utrecht. Le souverain de Savoie récupère ses territoires et devient dans un premier temps Roi de Sicile puis Roi de Sardaigne, d'ou le nom de palais sarde encore utilisé de nos jours.
Désormais le palais ducal devient palais royal et le nouveau roi, Victor Amédée II y fait étape en 1713 et 1714 lors de son voyage à Palerme pour son couronnement. Les seuls plans conservés du palais royal dus à l'architecte niçois Ribotti datent de 1815. Malgré les réaménagements intérieurs pratiqués durant l'occupation des barbares de la révolution française puis de l'Empire, ils nous donnent un bon aperçu de la physionomie du bâtiment primitif.
Sa façade courait sur 44 mètres le long de la rue de la Grand Place. La façade opposée, augmentée de deux petites ailes atteignait 60 mètres et s'ouvrait sur un jardin en direction de la mer. Le palais comptait trois étages noble ou "piano noble". Un escalier à volées droites et colonnes desservait les différents étages. La façade dépouillée mais monumentale du coté ville, répond à la conception symbolique du pouvoir qui se repend en Europe dés le XVIe siècle. Coté jardin, la façade apparait plus légère, moins régulière voire plus intime. Les murs de clôture, les écuries et les magasins du sel ferment l'espace du jardin qui se prolonge par une orangeraie.
En 1792 Nice est occupée par les barbares révolutionnaires. Le palais est saccagé, et reconverti en hôpital militaire pour les nombreux blessés causés par les résistants barbets sur les troupes de la soldatesque bleu. La restauration sarde de 1815 rend définitivement le palais royal à sa vocation première. Des travaux de reconstruction sont entrepris en l'honneur de la venue du souverain Charles Félix. Le vestibule, l'escalier d'honneur sont reconstruits, la façade sud embellie.
De même, les appartements royaux sont réaménagés avec l'aide du grand peintre niçois Barberis. Le mobilier prélevé dans les palais de Turin et de Gênes, est reconstitué. Ainsi le palais royal redevient le lieu de séjour des souverains sardes comme Charles Félix, Charles Albert et Victor Emmanuel. Le palais aujourd'hui se compose pour la visite des journées du patrimoine par l'escalier d'honneur, l'antichambre Jean Charles Blais, la salle des fêtes et la galerie des glaces, le grand salon, le jardin d'hiver, le salon de musique et le fumoir, la petite et la grande salle à manger, la galerie Jules Cheret.
Le Palais des rois sardes comme son nom l’indique vient du nom de l’ile de Sardaigne dont les souverains savoyards en furent les monarques. Ce que les livres d’histoire ne disent pas, c’est que la France révolutionnaire toujours avide de conquêtes et de cruautés prépara dans le plus grand secret l’invasion de la grande ile considérée comme la sœur de la Corse.
C’est ainsi qu’au mois d’avril 1796 appareilla à Toulon une flotte composée d’un navire de ligne, de deux frégates et de 4 bricks avec à leur bord 6000 hommes sous le commandement du général Dumas. Cette armée descend jusqu'à Cagliari et prend la forteresse de Capeluzzo qui résistera un mois. Le général Dumas est chargé de rattacher directement la Sardaigne à la France révolutionnaire. La Sardaigne est ainsi intégrée au «département des deux iles».
Mais dés 1800, les difficultés de communication entre Ajaccio et Cagliari entrainent la séparation des deux iles. La Sardaigne devient ainsi un département autonome en 1800. L’abdication de Napoléon en avril 1814 entraine la fin de la souveraineté française. La Sardaigne retourne au royaume, à la restauration sarde et à la maison de Savoie au congrès de Vienne de 1815 qui allait redessiner la carte de l’Europe pour des décennies à venir…..
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